Des mots et des astres

L’étymologie est la science qui étudie l’histoire des mots, notre vocabulaire vient de déformations successives de langues anciennes, d’ajouts, d’emprunts d’autres langues. Si parfois elle est trompeuse, l’origine des mots peut nous éclairer sur la signification de ceux-ci et la perception que nos aïeux avaient de certaines notions.

Il est intéressant de constater que quelques uns de nos mots souvent courants, et parfois issus d’un vocabulaire de spécialiste, sont directement inspirés par les divinités gréco-romaines dont les noms ont baptisé nos planètes.

Ce que nous vous proposons c’est de regarder d’un peu plus près ces mots, leur définition est souvent intéressante d’un point de vue analogique. Vous trouverez des mots que vous employez tous les jours et peut-être serez-vous surpris de leur parenté avec nos planètes. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive et peut-être trouverez-vous le moyen de l’enrichir. En attendant, bienvenue dans le dictionnaire étymologique de notre système solaire !

I. Luminaires et planètes rapides

Le Soleil

On a bien sûr l’adjectif « solaire » qui désigne tout ce qui se rapporte de près ou de loin à l’astre du jour mais aussi solarium qui désigne les endroits où l’on prend le soleil du thérapeutique au ludique.

Le plexus solaire est la région abdominale du système nerveux sympathique (chakra jaune) On pense aussi au tournesol, la fleur solaire par excellence de par sa forme et de son inclinaison suivant l’astre. On parlera de solstice (latin « sol » soleil et « sistere » arrêter) quand le Soleil se trouve aux deux endroits du ciel où il « s’arrête ».

Par Hélios, le dieu grec du Soleil, nous avons l’héliotrope, groupe de plante dont les feuilles tournent vers le soleil. Ce terme désigne aussi la couleur de la fleur (qui tire sur le fuchsia).

Bien sûr l’adjectif « héliocentrique » qui désigne le système solaire, ainsi que l’héliosphère, la bulle dans laquelle agissent les vents solaires.

La Lune

L’adjectif « lunaire » désigne bien sûr tout ce qui a un rapport avec la Lune. On parlera aussi de faciès lunaire pour les personnes au visage rond, qui désigne aussi la morphologie des mongoliens (le peuple), et par rapprochement malheureux celle des personnes trisomiques (remarquons cependant que la trisomie 21 donne un comportement très lunaire : éternel enfant, atteinte de l’intelligence rationnelle…). Lunaire désigne aussi un caractère rêveur. Les lunaires sont aussi des plantes dont l’espèce la plus connue est la monnaie du pape dont la forme et l’aspect des feuilles rappellent l’astre de la nuit.

Nous avons aussi lunatique pour désigner le caractère à l’humeur changeante comme les phases de la lune. La pierre de Lune est une gemme translucide aux reflets argent et bleutés. Le lunatum est l’un des petits os du carpe (os de la main) qui a une forme de croissant.

On peut également citer tous les dérivés du verbe « alunir », qui désigne le fait de se rendre sur la lune en astronautique. La môle, énorme poisson rond (en moyenne de 1000 kg) est également appelé « poisson lune » ou tout simplement « lune ». Le Lundi enfin doit son nom à la Lune.

Par Sélène, la déesse grecque de la Lune, nous avons le sélénium, élément chimique, oligoélément indispensable au corps humain, antioxydant, mais toxique à haute dose. La sélénite est une gemme translucide (variété de gypse, à ne pas confondre avec la pierre de Lune citée ci-dessus). Le sélène est aussi un poisson argenté.

Mercure

On commence par le métal du même nom, appelé autrefois « vif argent », le seul métal à l’état liquide dans les conditions normales de température et de pression.

Il faut ajouter aussi tous les mots ayant la racine « merc » du latin « merx » ou « mers » désignant les marchandises. Commençons par le mot mercantile désignant tout ce qui a trait au commerce (attribution du dieu Mercure), mais aussi mercerie, qui désigne toutes les activités en rapport avec le fil et l’aiguille (et donc la précision, la dextérité, autre attribution de notre planète !), n’oublions pas merci, terme de politesse (communication) désignant la gratitude mais aussi la pitié (« avoir à sa merci ») indiquant donc les rapports de force de notre société (hiérarchie, soumission, adaptabilité….). Par déformation, cette racine donnera tous les termes dérivés de « marchand« , ceux dont Mercure est le dieu.

Enfin, n’oublions pas le jour mercredi, désormais jour de repos des enfants !

Par Hermès, nous avons obtenu hermétique qui désigne quelque chose clos de façon parfaite, mais aussi et surtout toutes les sciences qui nécessitent une initiation (donc un apprentissage !).

Et aussi hermaphrodite qui désigne les créatures qui disposent des deux sexes.

Vénus

En lui même, le mot Vénus désigne une femme très belle, mais surtout les canons de beauté d’une civilisation. L’adjectif vénérien désignait autrefois tout ce qui a rapport avec l’amour et le sexe. De nos jours, il désigne surtout les maladies « vénériennes », sexuellement transmissibles ! On lui préférera le terme « vénusien » qui sonnera plus doux !

Le verbe vénérer désigne adorer, vouer un culte, normal pour la déesse de l’amour !

Le terme vénusté est désuet, mais il désigne la beauté, la grâce.

Vénus donne aussi son nom à quelques fleurs : le miroir de Vénus, le sabot de Vénus, même l’attrape-mouche de Vénus, une plante carnivore de la famille des Dionées (du nom de la mère de Vénus ! Verrions-nous cette déesse parfois comme une plante carnivore ?). Les Vénus sont des mollusques de la famille des Veneridae (des coquillages bivalves), le sabot de Vénus est aussi l’autre nom d’un joli mollusque appelé aussi « papillon de mer », la ceinture de Vénus est un animal, ou plutôt une colonie d’animaux aquatiques organisés en ruban translucide.

En anatomie, le mont de Vénus est l’éminence large et arrondie sur le pubis de la femme.

Vénus donne son nom au jour vendredi qui permet de nous apercevoir que le verbe vendre a une racine commune avec la déesse et rappelle l’association de la planète avec la valeur des choses, les choses en elles-mêmes, les possessions. En effet, « vendre » et « Vénus » ont une origine commune (« venum », la vente), on retrouve facilement cette racine commune dans l’adjectif vénal, qualificatif qui désigne tout ce qui peut se vendre et par extension une personne aimant l’argent (défaut vénusien).

Citons également les « veines « qui viennent du latin « vena » (veine, filet d’eau mais aussi énergie, force vitale), mais l’origine commune de ces deux mots est douteuse… Pourtant les veines sont les canaux qui rapportent le sang au coeur (donc force centripète vénusienne, opposées aux artères, force centrifuge marsienne), donc l’analogie reste tentante. Idem pour venin, venimeux ou encore vénéneux qui viennent de « venenum » (poison en latin), pas d’origine directement commune mais une assonance troublante, car l’amour est souvent qualifié de poison quand il rend malheureux, de même que la mauvaise face de Vénus… Donc pas de preuve de lignage direct mais une signification qui reste dans le symbolisme et une assonance bienvenue.

Par Aphrodite, on a bien sûr aphrodisiaque désignant les substances censées augmenter le désir. On retrouve hermaphrodite (cf. la mythologie pour comprendre pourquoi !).

Moins connu, le mois d’avril aurait été nommé ainsi par les Romains en l’honneur de la déesse, ça tombe bien, c’est là que débute le signe du Taureau le domicile de Vénus !

Enfin, notons que « Lucifer » et « Astaroth » deux démons bien connus viennent de noms de déesses vénusiennes : Lucifer est le nom de la planète au matin, Astaroth vient de « Ishtar » qui donnera « Ashtar » puis « Ashtaroth » avant de devenir « Astarté ». Cette parenté dénote à la fois la volonté des religions monothéistes de diaboliser les divinités païennes (surtout celles qui, comme Aphrodite sont très dérangeantes pour les dogmes) mais aussi le côté « infernal » de Vénus (qui était aussi à l’origine, ne l’oublions pas, déesse des carnages).

Mars

L’adjectif martial désigne tout ce qui a trait à la guerre, aux arts militaires ou au combat (les arts martiaux).

Il désigne également ce qui a trait au fer (surtout en médecine, une carence « martiale » est une carence en fer), en souvenir de l’alchimie quand Mars désignait aussi ce métal.

Mars donne aussi son nom au mois où le signe du Bélier, son domicile débute ! (Notons que le mois de mai, qui voit débuter le signe des Gémeaux porte le nom de Maïa, la mère d’Hermès, maître du signe, et que juin vient de Junon, reine des cieux, et donc un peu lunaire comme le Cancer…) C’est aussi à lui que le jour mardi doit son nom.

En latin, Mars se décline « martis » et les prénoms Martin et Martine en sont issus (comme le prénom Martial évoqué plus haut). Notons les oiseaux suivants : le martinet, le martin-pêcheur, le martin-chasseur (ces derniers étant évoqués avec une activité de prédation). Surtout « Martin » désigna aussi l’outil, le bâton, la parenté avec le dieu et la planète étant plus qu’évidente : activité, arme… Le marteau en est directement issu. Le « martinet » est un marteau utilisant la force de l’eau (utilisé dans les forges, là où l’on travaille le fer, grâce au feu pour faire des outils et des armes…), en est issu le verbe « martiner », frapper avec un marteau, et aussi le « martinet » redouté des enfants, outil de punition (ou d’auto flagellation à de fins expurgatoires ou… érotiques).

Par Arès nous avons des noms d’armes et de missiles récemment conçus.

Mars et marteau

Cérès

La déesse des moissons a tout naturellement donné son nom aux céréales, ce groupe de végétaux nourrissants utilisés pour leurs graines dont les plus célèbres sont le blé, le riz et le maïs, plantes toutes déifiées dans les cultures où on les cultive (tiens donc, encore une étymologie intéressante).

Le Cérium est un élément chimique découvert en 1803 soit deux ans après Cérès et nommé ainsi en l’honneur de la planète naine.

Par Déméter, nous n’avons pas grand chose, mais notons que son nom, bien que grec se rapproche du latin « Dea Mater » et signifie : « la déesse mère ».

II. Planètes lentes et trans-saturniennes

Jupiter

Son nom voudrait dire « père du jour » (déformation de « dies pater »). Jupiter se décline en « jovis » en latin, c’est de cette forme que nous avons eu la joie et le caractère jovial, souvenir d’un temps où l’astrologie était reconnue !

Bien sûr n’oublions pas le jeudi, le jour auquel il a donné son nom.

Par Zeus, il y a proximité avec la racine grecque « Theus » et la latine « Deus », qui donneront en toute simplicité… Dieu !

Saturne

Le saturnisme est une grave maladie due à l’intoxication au plomb (souvenir d’alchimie !). Impossible de savoir si le verbe saturer qui partage quasiment toutes ses lettres avec le nom de la planète a une racine commune. Il vient du verbe latin « saturare », qui signifie « rassasier », ce qui est assez intéressant dans notre exploration des mots ayant une origine commune avec les noms des planètes.

Les saturnales étaient les fêtes romaines en l’honneur de Saturne, moments de grandes réjouissances où l’on se donnait des cadeaux, on les fêtait autour du solstice d’hiver (moment où le Soleil rentre dans le signe du Capricorne, le trône de Saturne), elles se transformeront sous l’influence des chrétiens en… Noël !

Le Samedi est le jour de Saturne (« Saturday » en anglais), mais viendrait plutôt de « sabbatis », sabbat, le samedi étant plutôt le jour du Sabbat. Le Sabbat est le jour de repos en souvenir du dernier jour de la création où Dieu se reposa (notion de recueillement, de mémoire propre à Saturne), on parlera aussi du Sabbat des sorcières, nuits de réunion des sorcières, à la fois souvenir transformé en angoisse des saturnales et messes noires. D’ailleurs l’association Saturne/Diable a été faite très tôt, surtout par l’entremise du Capricorne, le bouc auquel les religions monothéistes ont associé le diable. (L’étymologie de « diable » : « diabolus » veut dire « jeter en travers » ce qui est l’un des rôles de notre Saturne astrologique.) Baron Samedi est un « Guédé », un dieu vaudou de la mort et de la résurrection (représenté habillé d’un costume et d’un haut de forme blanc).

Hélas, Cronos le nom du dieu grec s’écrit sans « H », et n’a donc pas la même racine que « chronos » le temps, et donc étymologiquement parlant ils n’ont rien à voir ensemble !!! Ce dieu pose bien des difficultés, même dans les mots qui dérivent de lui !!!

Uranus

L’Uranium est un métal radioactif, le seul fissible naturellement et à la base de l’industrie nucléaire. L’Uranie et sa famille les Uraniidés sont des papillons considérés comme les plus beaux du monde.

Uraniste est un terme désuet pour désigner les homosexuels masculins, il vient de la déesse Aphrodite Urania (née d’Ouranos) donc sans femme (les hétéros étaient désignés par le terme « dioniens » en rapport avec la déesse Aphrodite Dionéa née de Dionée et fille de Zeus).

Neptune

Pour Neptune, notons le neptunium, métal radioactif nommé ainsi en l’honneur de la planète car se trouvant juste après l’Uranium dans la classification périodique, son application est surtout militaire.

Le baudrier ou ceinture de Neptune, sont des algues brunes (laminaire sucrée) comestibles.

Le cerveau de Neptune est un corail rond dont les circonvolutions rappellent effectivement l’organe.

Notons le neptunisme, théorie géologique obsolète, qui affirmait que la croûte terrestre s’était formée par les sédiments de l’océan primordial qui recouvrait toute la planète (on a ici les notions de dissolution, fusion mais aussi d’universalité que portent la planète).

Rien de convaincant avec Poséidon, par contre, notons que Triton (fils de Poséidon) donne son nom à un amphibien et à un gastéropode. Protée, le dieu marin donnera « protéiforme » désignant la capacité de changer de forme continuellement. Océan le premier Titan marin se passe de commentaire et Téthys, la première titanide marine, donne son nom à l’océan primordial, quand la Terre n’était pas divisée en continents (la Pangée) et qu’il n’y avait qu’un seul gigantesque océan. (On se rapproche enfin de l’idée de l’universalité neptunienne, et si on appelait cette planète Téthys finalement ?)

Pluton

Un pluton en géologie est une roche magmatique, on parle de roches plutoniques !

Le plutonium est un métal rare, élément chimique produit artificiellement, nommé ainsi en l’honneur de la planète car l’élément se situe derrière le neptunium dans la classification périodique. Il est radioactif, c’est un métal très lourd et très polluant.

Ploutos signifie la richesse en grec. Pluton est en fait le surnom donné à Hadès par les grecs pour ne pas prononcer le nom du dieu des morts. Il signifie le riche car Hadès est riche puisqu’il règne sur le monde souterrain et donc possède toutes les pierres, métaux, racines… Ce nom donnera ploutocratie qui signifie la prise de pouvoir par les plus riches. Le plutonisme est une théorie géologique s’opposant au neptunisme (et tout aussi dépassée) qui affirmait que la croûte terrestre venait du volcanisme.

Par Hadès nous n’avons pas grand chose, on désigne parfois sous ce nom l’Enfer. Notons que l’étymologie communément admise signifiant l’invisible est peut-être fausse, le nom devrait s’écrire sans « H ».

J’ai quand même trouvé « l’Hadéen« , ère géologique la plus ancienne commençant avec la formation de la Terre et s’achevant avec l’apparition de la vie (c’est donc la période où il n’y avait pas de vie sur Terre).

Enfin n’oublions pas ces astéroïdes qui ont également leur mot à dire !

Chiron

Ce nom vient du grec « keiro », la main, et donne la chirurgie, la chiromancie, la chiropraxie et les chiroptères (les chauves souris qui ont des « mains ailes »).

Junon

Elle donnera le mois de Juin. En anglais, « June » est encore plus proche du nom de la déesse (de même qu’avril, « April » garde le « AP » d’Aphrodite, avec « May », ces trois mots sont également des prénoms féminins). « Juno » serait la forme féminine de « Jovis ».

Vesta

L’étymologie est plus délicate, encore une fois l’assonance avec le latin « vestis » : vêtement, voile est intéressante mais je n’ai pas trouvé de source confirmant une parenté, pourtant cette déesse vierge qui portait le voile pourrait vraiment avoir un rapport avec cette racine, si c’est le cas, notons : « veste », « vêtir », « vêtement »…

En remontant l’origine des mots, on s’aperçoit que l’on peut illustrer notre savoir astrologique encore d’une autre manière, et voir également comment les anciens peuples percevaient les divinités venues jusqu’à nous par les planètes.

 

Tous droits réservés Laurent Gizzi

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7 thoughts on “Des mots et des astres

  1. merci bien, ce fut pour moi une très belle lecture instructives. Pour nous autres qui aimons ce domaine, çà instruit bien et donne le courage de vraiment bosser. Toutes mes reconnaissances à vos efforts!

  2. Hello à tous,
    pour l’histoire du nom des planètes, vous pouvez aller aussi sur cette page de la revue Alliage : Les mots tombés du ciel des numéros 33 et 34 (pas pu mettre de lien internet ici) …
    Pour l’origine de bien des termes techniques de l’astrologie et de l’astronomie, vous pouvez aller sur une autre page de la revue Alliage N°44 (toujours pas pu mettre de lien internet désolé)
    Serge

  3. Très gros travail et pleins de petites perles très rigolotes… 😉
    Merci pour cet article très instructif !
    Bises
    Sol

  4. Merci Lau pour cet article éthymologique, qui vient nous replonger dans les racines même de notre langage courrant
    Ce fut un passionnant voyage.

  5. Merci beaucoup pour ce voyage à travers la Méditerranée antique, bercé sur des flots savamment négociés. Passager des Mots -ces libres vaisseaux de l’oral – si mystérieux dès qu’on les couchent par écrit… J’ai appris plein de choses, dont celle-ci: ouvrir grand les oreilles des yeux, pour mieux entendre ce que l’on voit 😆 😮 😐 😉

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