Interview : l’astrologie et le métier d’astrologue

Jacky Ragot, président de l’association Astrologie 58, m’a demandé une interview il y a quelques temps. En voici une reproduction partielle pour ceux que cela intéressera : les questions de fond sur l’astrologie, sa déontologie et la pratique du métier d’astrologue y sont abordés.

Philippe REGNICOLI

Philippe Regnicoli

Jacky Ragot: Pourquoi avoir choisi d’être Astrologue ?

Philippe Regnicoli : Je doute que l’on puisse véritablement parler de « choix » quant à la profession d’astrologue. Un choix est un acte délibéré, un mouvement de la volonté sous-tendu par un plan de carrière ou le désir d’acquérir un statut social. Or, il ne faut pas se leurrer, en devenant astrologue, il est impossible d’établir un plan de carrière et mieux vaut renoncer à un quelconque prestige social (en dehors du milieu même astrologique). Même ceux qui réussissent le mieux subissent peu ou prou le rejet des esprits « bien-pensants », des « scientistes » (à dissocier des vrais scientifiques, a priori ouverts).

Faire de l’astrologie son métier, c’est donc avant tout une vocation (un sacerdoce même pour certain) et la plupart des consoeurs et confrères que j’ai rencontrés ont davantage « été choisis par l’astrologie » qu’ils ne l’ont eux-mêmes choisie.

Pour répondre de façon plus personnelle à votre question, l’astrologie a d’abord été une passion et un centre d’intérêt quasiment quotidien pendant 15 ans. Pendant de nombreuses années (et sans même en avoir pleinement conscience), j’ai fait de la consultation gratuite, mettant mon savoir-faire au service de mes proches, puis des amis de mes proches, puis de leurs amis. Arriva un moment où je pris conscience que l’essentiel des gens que je voyais, je ne savais même plus de qui ils étaient les amis. Bref, c’était pour moi de parfaits inconnus qui d’ailleurs, assez légitimement du fait qu’aucun lien ne nous unissait, commencèrent de plus en plus souvent à me proposer un dédommagement en échange de mon travail. Ayant à l’époque un autre métier et faisant cela par plaisir, je refusais systématiquement. Mais je refusais aussi des études supplémentaires, voir des contacts supplémentaires, expliquant aux gens que je n’avais pas assez de temps, que ce n’était pas mon métier. C’est finalement mon entourage qui me fit remarquer avec insistance que je pourrais facilement m’installer, créer mon entreprise personnelle si je le voulais. C’est tout simplement à la faveur d’une crise professionnelle que j’ai franchi le pas. Je ne l’ai jamais regretté.

Comment avez-vous appris l’astrologie ? Pourquoi ?

Ma formation fut en premier lieu purement livresque, ce qui ne veut pas dire purement théorique. Très tôt, j’ai monté des centaines de thèmes (à la main à l’époque) et j’ai voulu comprendre, avec seulement quelques ouvrages de référence au début, « comment cela fonctionne ? ». Le « comment » rejoint donc le « pourquoi ». C’est mon intérêt pour trouver un sens, une signification à la vie, aux gens, au monde qui a motivé mon intérêt pour l’astrologie. C’est en disséquant ses mécanismes et en la « testant » de façon critique que je l’ai assimilé (rejetant certaines choses qui ne me semblaient pas « marcher », faisant des extensions et des corollaires à celles qui au contraire retenaient mon attention).

Je pense que ne pas avoir de professeur, de « guide » est à la fois un avantage et un handicap. L’avantage est que l’esprit, libre, évolue comme bon lui semble, trie, jauge, soupèse, rejette, modifie, bref, fait œuvre de créativité. Le handicap, c’est que c’est beaucoup plus long qu’avec un professeur qui toutefois vous inculquera toujours « son astrologie ». Disons que ce que j’ai appris en autodidacte les 10 premières années, j’aurais pu l’apprendre en 3 ou 4 ans auprès d’un enseignant compétent. Mais d’un autre côté, je n’ai jamais été « sous influence » et, menant des études littéraires et philosophiques en parallèle, j’ai porté un regard assez personnel sur l’astrologie.

Quel est votre parcours sur le plan astrologique ?

Après une dizaine d’année de recherches isolées (et il s’agissait d’un vrai isolement, personne dans mon entourage n’étant « calé » en astrologie et n’ayant pas à l’époque Internet), j’ai compris que je ne pourrais plus progressé seul. Je me suis donc d’abord inscrit à une école (le contenu des cours m’a énormément déçu, ce n’était qu’un « résumé » de choses éparses que j’avais déjà lues puisque, à l’époque, ma bibliothèque d’astrologie devait déjà contenir une centaine d’ouvrages). Désappointé, j’ai eu à ce moment de ma vie la chance de rencontrer une astrologue niçoise avec qui le contact passa très bien et qui accepta, bénévolement de surcroît car elle devait tout quitter (son métier compris) pour aller vivre « une nouvelle vie » aux Etats-Unis, de me former à une vraie pratique de l’astrologie. Ce fut une chance car cette personne possède une « intelligence ouverte » qui m’a beaucoup fait progresser.

En quoi l’astrologie peut être utile, pour vous et pour les autres ?

Vaste question. Les applications de l’astrologie sont multiples même s’il faut se méfier de ne pas tomber dans le « tout astrologique », c’est-à-dire tout percevoir par la seule lorgnette de l’astrologie. Je crois que chacun peut y trouver quelque chose de différent, exactement comme en psychologie et en philosophie d’ailleurs : cela peut seulement être un outil pour envisager le monde et cela peut aller jusqu’à devenir une croyance (c’est rarement bon toutefois). Cela peut servir d’aide psychologique bien sûr puisque l’on touche à la connaissance intime de la personne mais cela peut aussi très prosaïquement servir de « carte routière ». La question est toutefois véritablement fondamentale et nécessiterait un débat collectif car elle pose la question plus vaste encore « quel est le but de l’astrologie ? Sa finalité ? ». On entrerait ici dans des considérations qui peuvent se développer sur des pages et des pages…sans trouver de réponse unique sans doute !

Qu’apporte-t-elle comme éléments de réponses pour un consultant ou une entreprise ?

Si on met à part la dimension philosophique et téléologique de l’astrologie, on peut en effet tout simplement considérer, sous l’angle pragmatique donc, le type de service qu’elle peut fournir. Encore faut-il là encore préciser que chaque astrologue, selon sa pratique et son approche, va fournir des services différents. Mais, grosso modo, on peut classifier ces services en 3 catégories, vrai dans le cadre de la personne comme de l’entreprise :

– Connaissance de l’individu, de sa structure psychique, de ses potentiels et handicaps, amenant à une meilleure appréhension et acceptation de ce que l’on est et, dans bon nombre de cas, à la rentabilisation de nos performances (mieux dirigées et maîtrisés) ainsi qu’à l’amélioration de notre vie via un sentiment de bien-être issu de la sensation d’être soi et d’occuper la place qui nous revient. En cela, je dirais que l’astrologie se rapproche et complète un travail Juguien.

– Optimisation de notre relation aux autres (amis, parents, collègues, autorités) et à l’Autre (conjoint(e), collaborateur) grâce à une meilleur compréhension de ses propres mécanismes internes mais aussi de ceux de ses interlocuteurs. En cela, je dirais que l’astrologie se rapproche et complète un travail comportemental et cognitiviste.

– Diminution de l’angoisse et optimisation des opportunités via un discernement plus net des cycles et des climats qui jalonnent notre vie. C’est l’aspect dynamique de l’astrologie, celui qui traite des transits, révolution solaire, progressions et cyclicités. Il n’a pas d’équivalent dans les sciences humaines et reste l’outil de prédilection de tout astrologue.

A quoi reconnaît-on un bon astrologue ?

Comme dans la plupart des métiers, il est sans doute plus facile de rapidement détecter un « mauvais astrologue » qu’un bon, ne serait-ce que parce que l’astrologue de vocation, l’astrologue consciencieux et motivé par un élan charitable vers ses sœurs et frères humains, est en général une personne discrète au contraire du charlatan qui a besoin d’en faire des tonnes.

Il est difficile de définir les critères objectifs qui feraient qu’un astrologue soit « bon » (car on rentre alors forcément dans des critères plus moraux que professionnels) mais on peut au moins citer quelques fondamentaux : savoir avant tout être à l’écoute de ses consultants, adapter son travail, ses méthodes, son approche et ses techniques à la personne, respecter l’individualité et les choix/croyances de celle-ci. A l’inverse donc, les praticiens dont je me méfierais a priori sont ceux qui imposent rapidement et catégoriquement leur point de vue, font de la prévision « sauvage » (« il va vous arriver ceci et cela, c’est irrémédiable »), exercent une relation de maître/esclave ou de guru/disciple avec leur consultants (et de façon générale ceux qui s’arrangent pour que les gens qui les consultent restent dépendants d’eux alors que le but est au contraire à mon avis d’amener les gens à l’autonomie…et donc à se passer de vous !).

En un mot, je dirais qu’un bon astrologue est une personne ouverte, attentive à vous faire évoluer vers l’individuation et l’autonomie, soucieux de ne pas entraîner de dépendance à son égard et ne cherchant pas à imposer ses idées. Cela me parait être un minimum. Après quoi, un bon bagage technique est bien sûr indispensable.

En tant qu’astrologue, quelle a été votre plus belle expérience ?

Aider les gens à sortir d’une période de crise profonde (professionnelle, existentielle, conjugale ou familiale) en provoquant une réelle et durable prise de conscience chez eux est toujours très satisfaisant. Cela fait partie des « plus » du métier, qui comporte de nombreux désavantages aussi !

Mais si je dois choisir un événement en particulier, je prendrais un cas qui s’est présenté il y a plusieurs années. La personne était à la limite de la dépression profonde et c’était une sorte d’aboutissement logique quand on comparait sa vie à son thème : j’avais rarement vu jusqu’ici une personne vivant en décalage aussi profond avec ses valeurs propres. Rien dans son existence ne semblait « coller » avec son thème. Cette dame avait donc très naturellement une profonde impression de chaos, d’absurdité. Elle avait déjà consulté plusieurs professionnels de tout type sur les dernières années (psychothérapeute, numérologue, voyant, assistante sociale) et si chacun avait pu un peu la soulager, le marasme restait bien là, de plus en plus insupportable. Je lui ai conseillé une étude karmique car dans bon nombre de cas, cette analyse est très édifiante et apte à provoquer une profonde illumination (une « réconciliation entre âme et esprit »). J’étais un peu « la dernière chance » de cette femme qui ne savait plus à quel saint se vouer ni quoi faire pour améliorer sa vie. Or, il se trouve que mon conseil lui fit réaliser qu’elle avait fait l’erreur d’abandonner ses projets et aspirations de jeunesse, lesquels réapparaissaient très fortement dans son thème. N’ayant plus grand-chose à perdre et profitant d’influx plutoniens particulièrement puissants à ce moment, elle « changea tout » (elle se sépara de son mari, se recycla professionnellement et déménagea). A l’heure qu’il est, c’est devenu une personne « importante » mais l’essentiel n’est pas là : elle est surtout maintenant très bien dans sa peau et dans sa vie et, surtout, elle aide à son tour grandement les autres par son activité. C’est ce phénomène de « chaîne de soutien » (je l’ai aidé, elle en aide maintenant d’autres) qui me fait penser que cela fait partie de mes plus belles expériences.

Utilisez-vous l’astrologie pour vous-même, vos proches ?

« Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ! ». J’utilise bien sur ponctuellement l’astrologie pour moi-même (pour comprendre ce que je vis surtout) et quelque fois pour mes proches bien que je souligne toujours qu’une bonne pratique astrologique doit reposer sur une impartialité impossible à atteindre avec l’entourage. Mais, c’est amusant aussi à préciser, beaucoup de mes proches ne s’intéressent tout simplement pas à l’astrologie et ne sont donc pas « demandeurs ».

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut apprendre l’astrologie et éventuellement en faire son métier ?

Avant tout de ne pas essayer de brûler les étapes car non seulement la somme de choses à connaître est considérable mais que notre discipline, c’est mon avis sincère, ne porte ses plus beaux fruits que si on la laisse « infuser » en nous, qu’on la fait vraiment sienne, qu’elle n’est pas seulement un « savoir » mais une façon globale de concevoir le monde (qui doit être complétée par d’autres !).

Je dirais aussi que l’on doit nécessairement passer par l’assimilation de beaucoup de techniques mais surtout ne pas devenir un technicien ! (ne jamais perdre la dimension « humaine » au profit de la dimension « mécaniste »).

Je conseille en général à mes étudiants de diversifier au maximum leur source (livres, professeurs) comme leur centre d’intérêt (un crochet par la psycho, la philo ou la sociologie est toujours de bon ton !).

Après quoi, pour ceux qui veulent se professionnaliser, il faut savoir être honnête vis-à-vis de soi et se poser un certain nombre de question : Pourquoi est-ce que je veux devenir astrologue ? Suis-je vraiment compétent pour le faire ? Quelle est ma principale motivation ? Suis-je prêt à endosser l’image sociale (plutôt ingrate) de l’astrologue ?

A quel courant astrologique vous reconnaissez-vous ?

Les astrologies humaniste et karmique ont ma préférence.

Enseignez-vous l’astrologie ?

Oui mais je prends très peu d’élèves chaque année afin de presque faire du « cours à la carte » (en présence du moins car c’est plus difficile par correspondance).

Avez-vous écrit des ouvrages sur l’astrologie et si oui lesquels ?

J’ai écrit six ouvrages : Le thème astral, les pouvoirs bénéfiques de la Lune, Astrothérapie, l’Oracle des animaux, Cérès, la mal aimée de l’astrologie et la Lune noire, la peur d’avoir peur.

Exercez-vous une autre discipline que l’astrologie ? Si oui laquelle et pourquoi ?

Non, l’astrologie est ma seule activité professionnelle. A titre de loisir, j’écris et monte des pièces de théâtre avec un ami (dans le cadre d’association culturelle). Je me suis aussi former ces dernières années en Ayurveda.

Que pensez-vous des horoscopes que l’on peut lire dans les magazines divers ou écouter à la radio ?

Une comparaison simple : l’horoscope de magazine ou de radio est à l’astrologie ce que le test par QCM des mêmes magazines est à la psychologie…et encore ! Bref, ces horoscopes sont très majoritairement responsables du discrédit de l’astrologie.

En avez-vous fait de tels ?

Évidemment non et ce n’est pas faute d’avoir été sollicité.

Quel est votre « maître » en astrologie ? Pourquoi ?

J’en ai plusieurs, chacun pour une raison différente.

Dane Rudhyar pour le souffle philosophique et métaphysique qu’il a su injecter à l’astrologie mais aussi pour avoir su renouveler depuis les bases la tradition astrologique tout en intégrant les découvertes psychologiques (Jung) de son temps.

Stephen Arroyo pour sa simplicité d’approche, sa netteté et ses nombreux conseils pratiques.

Ferdinand David pour ses développements spirituels.

Liz Greene pour la profondeur de ses recherches et sa capacité à découvrir de nouveaux symbolismes.

Alexandre Volguine pour son éclectisme, son intérêt pour le symbolisme et l’ésotérique en général, les nombreuses pistes de réflexion qu’il a ouvert tant dans ses livres que via les Cahiers.

Quand vous faites des consultations, comment cela se déroule ?

Cela dépend de la consultation, de ce qui amène la personne, du travail qu’elle a décidé que nous ferions ensemble. Quelques récursifs néanmoins : je travaille systématiquement sur le thème avant de rencontrer la personne (de préférence la veille afin de m’imprégner du thème pendant la nuit précédente : l’inconscient ne doit jamais être sous-estimé !), la séance elle-même dure au minimum une heure (et plutôt deux pour une première rencontre), un document écrit et toujours remis en fin de consultation (car les écrits restent quand les paroles s’envolent…)

Citez moi 3 astrologues que vous pensez être les plus sérieux ?

Difficile…car pour apporter une réponse honnête, il faudrait que j’ai au moins vu le travail de chacun. J’ai parfois été horrifié des échos ou des documents fournis par d’ancien(ne)s consultant(e)s d’astrologues « célèbres » tandis que j’ai été agréablement surpris de la pertinence d’analyse d’astrologue amateur ! Il faut de plus bien comprendre que la communauté astrologique des professionnels est un monde plutôt clos, étroit. Les conflits d’intérêt comme de chapelle y sont légions. Il y a des alliances et des querelles, des sympathies et des rancunes. Tout cela n’aide pas à juger objectivement de la qualité des prestations. Par ailleurs, il y a parfois un décalage étonnant entre ce que peuvent écrire des praticiens (dans leurs ouvrages, articles, sites, blogs) et le travail qu’ils fournissent réellement… Personnellement, je dois bien dire que plus cela va, plus le microcosme des astrologues m’indiffère. Certains ont bonne réputation, d’autre pas et j’imagine que c’est en partie justifié mais ce n’est pas à moi de relayer la rumeur.

Comment se passe votre journée type ?

Cela n’apporterait pas grand-chose à vos lecteurs de le savoir et j’aime garder pour moi mon jardin secret, d’autant que l’astrologue est pour moi tout l’inverse d’un homme public.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui veut consulter un astrologue ?

Si elle peut d’abord se faire une idée de la femme ou de l’homme qu’il est, de son approche, c’est toujours mieux. Avec le boom Internet, très rares sont les astrologues qui n’ont pas à l’heure actuelle au moins une page virtuelle pour se présenter. Le bouche à oreille est souvent aussi une bonne chose. Et puis, si vous sentez que cela ne « passe pas », n’hésitez pas à changer : la relation astrologue/consultant est aussi une question d’affinité. Je dirais de façon un peu provocatrice que le tarif n’est pas un critère de sélection : ce n’est pas parce que la consultation est la plus chère qu’elle vous satisfera le plus.

Est-ce les hommes ou les femmes qui vous consultent le plus ?

Les femmes bien sûr. C’est le cas de tous les astrologues.

Comment pouvez-vous expliquer cela ?

D’abord à cause d’une habitude culturelle. Au même titre qu’il n’y a pas si longtemps (c’est en train de changer), les produits de beauté ou de confort étaient exclusivement adressés à un public féminin, les hommes ont très longtemps eu « honte » de faire appel à un astrologue (notez que la population masculine est aussi statistiquement plus rétive à faire appel à un psychologue, un conseiller, un coach). Cela a donc en premier lieu a voir avec des relents de « machisme » culturel (« les hommes ne pleurent pas, ne se font pas « beaux » et ne demandent pas d’aide). On peut de plus ajouter que les femmes sont plus intéressées par le sensible, l’émotionnel, le sentimental, un domaine de choix pour l’astrologie (les hommes qui consultent le font plus souvent pour des questions professionnelles ou matérielles).

D’après vous, l’astrologie peut-elle être la réponse à beaucoup de questions ?

Oui, mais à titre personnel. Il serait dangereux que l’astrologue se fasse « apôtre » et prétendent détenir des vérités. L’astrologie peut énormément nourrir chacun mais ne doit à mon avis jamais devenir un dogme.

Faut-il suivre « à la lettre » les conseils d’un astrologue ? Pourquoi ?

Pour suivre « à la lettre » les conseils d’un astrologue, il me semble qu’il faut déjà que l’astrologue ait fait l’erreur d’édicter des conseils ou des règles qui peuvent l’être. La responsabilité est donc dès lors partagée. Les conseils d’un astrologue doivent logiquement être des pistes, pas des ordres : c’est au consultant d’organiser sa vie, de planifier, de structurer, de choisir surtout. L’astrologie porte un éclairage et délivre des indices pour que chacun puisse mieux décider lui-même : elle ne peut ni ne doit décider elle-même.

Que pensez-vous des logiciels d’astrologie ?

Ils sont devenus indispensables en terme de gain de temps : monter un thème à la main prend une bonne heure et reste soumis à la possibilité d’une erreur. C’est donc un excellent outil. Après quoi, cela reste un outil et si vous parlez donc de l’interprétation par logiciel, c’est bien sûr une absurdité. Un logiciel est incapable de synthèse et se contentera donc toujours de fournir un empilement contradictoire de données. Pour faire une métaphore avec la médecine : il est très utile d’avoir à notre époque des scanners et des machines IRM mais si vous remettez le diagnostic et les soins entre les « mains » de ces appareils, vous êtes bien fous ! Ce ne sont que des outils pratiques. Aux professionnels de faire ensuite le travail pour lequel ils sont rémunérés.

Lequel préférez-vous ?

Un logiciel gratuit et intelligent dont le développement a malheureusement été arrêté : astrocycle. N’hésitez pas à le télécharger et à envoyer un mot au concepteur pour le féliciter, cela lui donnera peut-être envie de s’y remettre…

Pourquoi, d’après vous l’astrologie n’est pas une science reconnue ?

Car ce n’est pas une science tout simplement. La psychologie comme la graphologie ont rencontré les mêmes problèmes et ne sont pas plus à mon sens des « sciences » mais plutôt des savoir-faire. Sauf que ces deux disciplines, proches de l’astrologie au final, ont bénéficié de deux atouts : elles n’avaient pas le « passif historique » de l’astrologie à traîner comme un boulet, les praticiens ont su dépasser leur différence et faire consensus pour travailler à la reconnaissance de leur discipline (cela n’est pas près d’arriver en astrologie) Toute approche de la psyché de l’être humain en général (la sociologie, les statistiques sociales, l’ethnologie, l’anthropologie) est difficilement « démontrable et reproductible » puisque par définition, la génétique le prouve, chaque être humain est un organisme à la fois complexe et unique.

Le sera-t-elle un jour ?

Qui peut le dire mais est-ce seulement son intérêt ? Je préférerais que l’astrologie rejoigne les disciplines reconnues…mais au final inclassables, comme la philosophie, la graphologie ou la symbologie…

Faut-il la réglementer ?

Oui. Il faut du moins l’encadrer, la rationaliser et l’officialiser. Ce qui nuit le plus à l’astrologie contemporaine n’est pas son manque de « preuve » ou sa non reconnaissance en tant que « science officielle ». Elle a traversée bien pire au cours des siècles. Ce qui peut en revanche définitivement la tuer est la prolifération de pseudo-astrologues qui ne connaissent rien à rien et revendiquent indûment ce titre pour faire de l’argent facile.

La disproportion entre charlatans et « professionnels authentiques » ne me parait historiquement jamais avoir été si criante : je dirais que 80% au moins des gens se prétendant « astrologue » (avec souvent d’autres titres fantaisistes à coté, surtout « voyant ») sont des escrocs, des prétentieux ou des illuminés potentiellement dangereux. Autrement dit, 80% des gens qui consultent sont amenés à avoir de l’astrologie une vision totalement déformée. Ceux qui insistent un peu finissent par réaliser qu’il existe le pire comme le meilleur mais beaucoup « abandonnent » aussi avant, avec la sensation d’avoir été grugés. C’est là que se situe le vrai problème de l’astrologie.

Que pensez-vous des écoles d’astrologie ?

C’est une bonne chose mais faute d’un organisme d’observation reconnue, il faut bien dire que n’importe qui peut ouvrir « une école d’astrologie ». Certaines ont fait leur preuve depuis plusieurs années et sont heureusement tout à fait sérieuses. Après quoi, il faut aussi noter que , qui dit école, dit perpétuation des batailles de clocher puisque l’ancien élève de l’école X remettra en cause l’ancien élève de l’école Y exactement comme leur professeurs respectifs l’ont fait entre eux, à leur époque. Tout cela est un peu désespérant.

Faut-il qu’elles soient régies par l’état ?

Régies par l’état ou autogérées par une corporation astrologique unie, peu importe, mais il faudrait effectivement qu’une entité extérieure aux écoles elles-mêmes ait son mot à dire et puisse faire respecter un certain nombre de principes éducatifs fondamentaux.

Quel constat faites-vous aujourd’hui de l’astrologie ?

Elle va mal, très mal même (j’ai titré un de mes derniers articles « l’astrologie en crise ») et cela pour plusieurs raisons qu’on peut tenter d’identifier :

  1. Dévalorisation scientifique (depuis « les lumières »)
  2. Dévalorisation politique (du style « langue de bois » puisque l’on sait bien combien de personnes politiques de premier plan ont recours au service d’un astrologue tout en faisant en parallèle passer toujours plus de loi liberticide, tel que récemment, la remise en cause du statut de formation continue pour les écoles astrologiques)
  3. Dévalorisation médiatique (dénigrement et moquerie mais là aussi double langage puisque rare sont les magazine sans « horoscope » et rare sont les émission de reportage qui ne finissent pas par titrer sur l’astrologie)
  4. Dévalorisation interne (par la multiplication des « astrologues » usurpant ce titre comme des grandes sociétés tentant de « phagocyter » le public astrologique)
  5. Incapacité à s’unir en corporation, en lobby et donc à avoir un poids sociopolitique
  6. Appauvrissement généralisée de la réflexion et de la culture astrologique : Chaque époque devrait avoir ses Volguine, ses Rudhyar, ses Gaucquelin… où sont les nôtres ? Qui à l’heure actuelle produit une réflexion de fond sur l’astrologie, propose de nouveaux chantiers de recherche et surtout arrive à être un « chef de fil » respecté par ses pairs et représentatif d’une astrologie contemporaine et en progrès ? Ceux qui ont joué ou pourrait encore jouer ce rôle (ils sont 5 et je ne les citerais pas) sont âgés et fatigués, ils se sont tous repliés sur eux-mêmes, sur leur succès et sur une conception très personnelle, très exclusive et très autarcique de l’astrologie. Ils restent « fermes » sur leurs positions, ne veulent plus avancer d’un pouce et sont incapables de fédérer la jeune génération.

Quel est selon vous son avenir ?

Elle survivra bien sûr. Quant à savoir si elle retrouvera ses lettres de noblesses dans un futur proche, c’est possible aussi : le monde change maintenant très vite et l’histoire se fait davantage à l’échelle de la vie humaine. Je ne pense donc pas impossible que la génération d’astrologues quadragénaires, et plus encore au dessous, connaissent un jour une autre astrologie.