Peintre, enlumineur, poète et mystique, on ne peut pas facilement étiqueter William Blake car son talent complexe, riche et souvent tortueux déborde généreusement de toute case dans lequel on voudrait l’enfermer. Issu d’une famille fort modeste (son père était bonnetier), il parvint contre toute attente à finalement intégrer la prestigieuse Royal Society londonienne et laisse derrière lui une œuvre inspirée faisant de lui un des génies visionnaires de son siècle. Nous vous proposons un coup de projecteur astral sur l’homme, sa vie et sa production…
William Blake est né le 28 novembre 1757 à 19h45 (Londres) dans une famille de petits commerçants. Sa mère, Catherine Wright Armitage Blake (1722–1792) appartenait à la Moravian church, un mouvement méthodiste d’origine allemande qu’elle quitta pour pouvoir se remarier avec James Blake. Elle eut avec celui-ci six enfants (une seule fille). William fut le troisième fils né de leur union.
L’école
Il grandit dans un milieu modeste et ne fréquenta pas l’école étant éduqué par sa mère (comme beaucoup d’enfant de cette époque). Il ne le regretta toutefois jamais une fois adulte, écrivant même « Dieu merci, je n’ai jamais été envoyé à l’école pour suivre le chemin des imbéciles ». En effet, on remarquera qu’avec Mercure sextile Cérès (maître de III : l’école) et trigone Uranus (planète fréquente chez les autodidactes et les personnes apprenant «hors du système»), la prime éducation de Blake ne devait pas poser de problème et même lui donner de solides bases sur lesquelles faire reposer son futur génie.
Les visions
Les visions semblent avoir toujours fait partie de la vie de Blake. Son ami, le journaliste Henry Crabb Robinson écrivit qu’à l’âge de quatre ans déjà, William vit apparaître Dieu à une fenêtre. Quant à Alexander Gilchrist, son premier biographe, il rapporte que Blake déclara penser que tout homme avait le don de vision dans son enfance mais qu’il le perdait par la suite, faute de le cultiver. En 1802, il écrivit à William Hayley « je suis sous la direction des messagers du ciel le jour comme la nuit ». Quoi qu’il en soit, ces visions furent à l’origine de nombreux poèmes et dessins.
Astrologiquement, on y verra sans conteste l’influence de son amas Neptune (Mysticisme)/ Lune noire / Nœud Nord (dominant en I et très fortement karmique) et de sa Lune (inspiration) en Cancer XII (transcendance), très souvent associé au don de vision. Quant à la conjonction Soleil/Jupiter en domicile, elle semble décupler la tendance prophétique (Jupiter a souvent été mis en avant pour ses qualités prophétiques, voir notamment à ce sujet les travaux de Stephen Arroyo et d’Eva Jackson) d’autant que le binôme Jupiter/soleil est lui en conjonction dissociée à Mercure (la pensée) Scorpion (le pouvoir de pénétration, l’intérêt pour l’occulte).
Comme Blake l’écrit lui-même dans Auguries of Innocence, son but était:
To see a World in a Grain of Sand
And a Heaven in a Wild Flower
Hold Infinity in the palm of your hand
And Eternity in an hour.
(Voir le monde dans un grain de sable et le paradis dans une fleur sauvage, porter l’infini dans la paume de sa main et l’éternité dans une heure).
Il est d’ailleurs fort probable que William ait hérité ce don de sa mère, ce que l’ascendant Cancer comme la Lune XII confirmerait.
La religion
Blake était chrétien (il se maria rituellement) mais bien peu orthodoxe pourtant ! Si sa foi en Dieu était indéniable, il passa aussi sa vie à critiquer l’institution religieuse en multipliant les provocations, écrivant par exemple « Le créateur de ce monde est un être très cruel » et nommant le Tout Puissant « nobodaddy », néologisme difficilement traduisible qui est une contraction des termes « Daddy » (Père) et « Nobody » (Personne).
Croyant donc certes mais aussi profondément rebelle et critique : on retrouve ici parfaitement la valeur de sa Lune noire (rébellion, insoumission, critique) conjointe Neptune (foi, spiritualité). Cette conjonction dominante (puisqu’en I) suppose une intense dualité que je définis personnellement (voir mon livre à ce sujet) comme une sorte de rupture initiale entre l’âme et l’esprit, une volonté intense de croire contrariée par une incapacité à le faire ou encore une aspiration au Mystique teintée d’esprit critique et d’insoumission au dogme.
Blake déclara d’ailleurs que si tout ce qu’il savait était contenu dans la bible, il lisait celle-ci dans un sens spirituel. Remarquez la nuance importante que ce propos sous-entend entre « spiritualité » et religion : cela exprime parfaitement le dilemme de sa Lune noire conjointe Neptune.
Toute la singularité mystique de Blake est d’ailleurs illustrée dans un vers de son poème The Everlasting Gospel :
Both read the Bible day & night
But thou readst black where I read White.
(Nous lisons ensemble la bible jour et nuit mais vous lisez noir où je lis blanc)
Pourtant, malgré le caractère contestataire de sa foi, Blake reçut aussi le soutien d’homme d’église (comme les révérends Mathew et Thomas) car sa foi était réelle et intense. En vérité, Blake était un chercheur, un théologien pourrait-on dire mais se refusa toujours à suivre un mouvement religieux, à s’identifier à un dogme, une église. Certaines de ses conceptions furent influencées par le théologien suédois Emanuel Swendenborg, un autre « personnage » sur lequel il est intéressant de s’arrêter à titre de comparaison. Anatomiste, scientifique, il fut aussi réputé pour ses visions religieuses (pendant lesquels il discutait avec des anges, voire avec Dieu et Jésus-Christ) et, à l’âge de 56 ans, il abandonna ses recherches scientifiques pour s’adonner entièrement à la recherche théologique, psychologique et philosophique dans le but de faire découvrir aux hommes une spiritualité rationnelle basée sur des visions de l’au-delà.
Il est né le 29 janvier 1688 à 06h35 à Stockholm. On remarquera dans son thème de troublantes similitudes avec la carte natale de Blake : La Lune est également en XII (dans le signe prophétique du Sagittaire qui accueille de plus Vénus et Cérès) ; Neptune est également en I (et en domicile) ; Jupiter est également dominant, tant par son amas en Sagittaire que par sa position en I : ce Jupiter est de plus aussi conjoint à Mercure. Quant à sa Lune noire, elle est en Vierge opposée à Neptune Poissons, parfaite illustration de sa volonté d’une spiritualité (Neptune domicile) rationnelle (Lune noire Vierge) !
Blake en tous les cas aima profondément évoluer dans le milieu spirituel mais détesta en revanche farouchement toutes les institutions religieuses, spécialement si elles étaient peu ou prou en connivence avec le gouvernement. Il écrivit dans les notes de son Apology for the Bible (1797) que les religions d’état étaient des abominations. Pour lui, la vraie spiritualité consistait en une communion intime, privée, personnelle avec l’Esprit.
Formations, début et critiques
Depuis l’enfance, Blake exprima le désir de devenir artiste et il eut la chance (sic) de naître dans une famille qui, bien que loin du milieu artistique, fut suffisamment ouverte d’esprit et non-conformiste pour le soutenir dans cette démarche. Son père notamment accepta de l’envoyer à l’école de dessin Henry Pars entre ses 10 et 15 ans.
On notera dans son thème que l’image père était en effet propice à favoriser la destinée de Blake en acceptant de l’aider à suivre ses aspirations profonde : le Soleil (père) V (l’art) trigone (aspect facilitant et réalisateur) Nœud Nord (destinée) I (choix personnel, affirmation de ses désirs).
En 1772, le jeune William et son père rencontre le graveur William Wynne Ryland (alors très en vu) qui accepte de le prendre en tant qu’apprenti mais, l’anecdote est étonnante, William refuse la proposition en objectant qu’il n’aime pas le visage de l’homme car il a l’impression que c’est celui d’un futur pendu… Hors, onze ans plus tard, Ryland fut bel et bien pendu (pour contrefaçon) !
Finalement, William devient l’apprenti de James Basire jusqu’à ses 19 ans. Il apprendra beaucoup durant cette période et deviendra si talentueux que son Maître décidera de l’envoyer seul pour effectuer des illustrations de la célèbre abbaye de Westminster, illustrations destinées à apparaître dans un des plus prestigieux guides du 18eme siècle, the antiquarian Richard Gough’s Sepulchral Monuments in Great Britain.
Sa formation achevée, Blake se met à son compte, en tant que graveur, en 1779. Il copie tout d’abord les gravures d’autres artistes mais son talent est vite reconnu et on commence à lui commander des travaux personnels. Pourtant, il ne fait pas l’unanimité et la revue the British Critic ne manquera pas de l’éreinter en définissant son oeuvre comme discordante, absurde et dépravée. D’autres revues réactionnaires s’en prendront souvent à lui et Blake souffrit, à n’en pas douter, des nombreuses critiques (ou plutôt railleries et moqueries) qui lui furent adressées par la presse.
Astrologiquement, la réputation (les honneurs ou déshonneurs que nous réservent la société et donc les médias) dépend du MC. On constate dans le thème de Blake que le MC est en Bélier, vide de planète. Le maître du MC, Mars, indique souvent en lui-même la nécessité pour le natif de « se battre contre l’opinion, de défier la société pour devenir un pionnier » et on peut ajouter que ce Mars est en plus, dans son ciel natal, durement opposé à Saturne (la pensée réactionnaire, la société conformiste) et conjoint à sa Lune noire. Lune noire décidemment bien centrale dans le thème de Blake et qui l’a dans le cas de cette conjonction à Mars (équivalente à certains égards à une position de Lune noire I) sans cesse obligé à défendre ses opinions et à s’imposer à contre courant, sans doute en se faisant de nombreux ennemis. Cette idée est d’ailleurs aussi largement soulignée, renforcée, par la place du Nœud Nord en Lion (affirmation, expression) I (personnelle, individuelle).
Mariage
En 1781, Blake tomba amoureux de Catherine Sophia Boucher (1762-1831) et l’anecdote qui présida leur rencontre (narrée par John Thomas Smith) est digne d’intérêt. La conversation suivante nous a été transmise et est assez édifiante quant aux prédispositions affectives de Blake. Celui-ci se confia à sa future femme en lui disant combien sa dernière relation (avec Polly Wood) avait été difficile et Mademoiselle Boucher lui répondit qu’elle compatissait :
Blake : Vous avez pitié de moi ?
Catherine Sophia: oui, sincèrement.
Blake: Alors, je vous aime pour cela.
12 mois plus tard, ils se mariaient et on peut supposer l’épisode de leur rencontre vraie puisqu’il faut préciser que beaucoup de chose séparaient ces deux êtres : la religion (elle était de famille huguenote) mais aussi surtout l’éducation puisque Catherine Sophia était illettrée (elle signa le contrat de mariage d’un X). Or, à bien regarder le thème de Blake, que cherchait-il en amour ? La constance et la fidélité tout d’abord sans doute (Vénus capricorne VI conjointe Cérès, Descendant en Capricorne), l’intimité d’un foyer chaleureux (Asc. Cancer) mais surtout la faculté de compassion typique chez les neptuniens.
Il est d’ailleurs intéressant de s’arrêter sur cette position en maison de Vénus. En VI, elle lie souvent le travail à l’amour, au couple. C’est ici d’autant plus vrai que Vénus est en plus conjointe à Cérès (en analogie avec la VI et la Vierge). Et ce fut bien le cas puisque Blake forma son épouse à dessiner, imprimer, colorer et, globalement, à concrétiser ses visions. Elle fut donc sa femme autant que sa fidèle collaboratrice et la Position du Nœud Sud en VII peut facilement laisser penser à une retrouvaille karmique, une femme antérieurement connue et aimé et revenant dans sa vie pour l’aider à mettre en place son œuvre, à réaliser son Nœud Nord. Catherine Sophia crut en tous les cas toujours aux talents comme aux visions de son mari, le soutint dans l’épreuve. Etait-elle elle-même un peu voyante ? Possible puisque, après la mort de Blake, elle déclara souvent continuer à « lui parler ». Elle ne survécut par ailleurs que quatre petites années à son époux.
Conclusion
Les dix dernières années de la vie de William Blake furent sans doute, professionnellement et socialement, les plus gratifiantes, notamment grâce au réseau amical qu’il avait mis toute sa vie à construire (Saturne Verseau VIII). On peut penser que Blake connut en fin de vie une vraie sérénité et un vrai bonheur qui s’explique par le fait qu’il avait mener à bien son karma, c’est-à-dire qu’il avait réussi à imposer son œuvre et à devenir un chef de fil (ne doutons pas que le fait d’enseigner à des disciples « paracheva » sa destinée). Il dit un jour à une petite fille : « Que Dieu fasse ce monde pour toi, mon enfant, aussi beau qu’il le fit pour moi ».
Blake s’éteignit le 12 Août 1827 et son disciple Richmond écrivit : ses yeux brillèrent, il vit le paradis. En vérité, il mourut comme un saint, comme une personne qui se sait attendu par Dieu.
La gloire de Blake fut largement posthume. Ses amis puis ses admirateurs donnèrent à son œuvre un souffle durable. On citera notamment l’essai enthousiaste de Algernon Charles Swinburne (un essai critique, 1868), le patient travail de William Butler Yeats (1890) et l’étude de TS Eliot (une étude de William Blake, 1947). Blake inspira également George Bernard Shaw, D.H Lawrence ou Dylan Thomas. Il est aujourd’hui considéré comme un des plus complets artistes de son temps.
Je suis debout au bord de la plage.
Un voilier passe dans la brise du matin et part vers l’océan.
Il est la beauté, il est la vie.
Je le regarde jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon.
Quelqu’un à mon coté dit : « Il est parti ! «
Parti ? Vers où ?
Parti de mon regard, c’est tout !
Son mât est toujours aussi haut,
sa coque a toujours la force de porter sa charge humaine.
Sa disparition totale de ma vue est en moi, pas en lui.
Et juste au moment où quelqu’un près de moi dit : « Il est parti ! «
Il y en d’autres qui, le voyant poindre à l’horizon et venir vers eux,
s’exclament avec joie : « Le voilà ! «
C’est ça la mort.
William Blake (Le voilier)
Les éléments biographiques de ce texte ont pour source l’encyclopaedia Britannica.
Tous droits réservés Philippe REGNICOLI
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Merci pour cette analyse de la vie de William Blake. Passionnant !