Analyse filmique par l’astrologie : un exemple

L’Astrologie est un outil précieux quand il s’agit d’étudier un individu, les traits dominants de son caractère ainsi que ses possibles comportements et agissements. Mais, l’Astrologie permet également d’envisager une étude psychologique et symbolique depuis un livre, un film, un évènement, (etc.) en mettant en relation plusieurs personnages, qu’ils soient fictifs et/ou réels. L’Astrologie se révèle alors tout aussi efficace, puisqu’elle nous autorise l’analyse d’une œuvre née de l’imagination d’un auteur, des personnages qui la compose, ainsi que de l’évènement parfois bien réel qui l’a inspiré. Le challenge relevé consiste ici à mettre en lumière les différents portraits astrologiques des principaux personnages du film « L’Armée des Ombres » en parallèle d’une étude de la personnalité et de la vie de Joseph Kessel, auteur du livre. Le tout étant mis en relief par la période historique : la Résistance française.

Les origines de l’œuvre – Naissance de la Résistance

Adapté pour le cinéma par Jean-Pierre Melville en 1969, « L’Armée des Ombres » est inspiré du roman de Joseph Kessel écrit en 1943, et relate les activités d’un réseau de résistants sous l’occupation allemande.

thème de Kessel

Joseph Kessel

Il est difficile d’évoquer pleinement Jean-Pierre Melville dans cette étude astrologique, son heure de naissance étant inconnue et sujet à controverse. Notons toutefois que le réalisateur s’est fondé sur ses propres souvenirs de guerre, ayant été soldat avant d’intégrer La France Libre (organisation de Résistance fondée à Londres en 1940 par le Général de Gaulle), puis de participer au Débarquement de Provence, d’août à septembre 1944.

Afin de « décortiquer » ce qui constitue l’essence de la Résistance, il nous faut opter pour deux approches différentes : l’une individuelle et l’autre collective, parce qu’il est clair que les véritables protagonistes de la Résistance ont voulu, non seulement protéger leurs propres vies et celles de leurs proches, mais aussi participer à la sauvegarde de la patrie toute entière.

D’un point de vue historique comme astrologique, la Résistance met donc en lumière une action (Mars) soutenue et organisée (Cérès) dans un monde clandestin (Neptune) face à un ennemi résolu à l’anéantissement d’une certaine population (Pluton) dans l’idée d’une conservation des droits humains (Saturne/Jupiter).

En dressant le thème astral de l’Appel du 18 juin 1940 (18h 00 à Londres), nous constatons que celui-ci comporte trois conjonctions importantes :

Carte mondiale appel 18 Juin 1940

– Une culmination de la conjonction Cérès/Neptune en Vierge et en M X.

L’énergie Neptunienne semble tout d’abord intimement liée à la Résistance ainsi qu’au titre du film, le symbole de l’ombre (et donc de la clandestinité) y planant inexorablement du début à la fin. La représentation manifeste de cette énergie Neptunienne est sans nul doute celle de la préservation de la communauté universelle, celle qui met en exergue la Souffrance, non pas d’un individu face à une épreuve personnelle quelconque, mais bel et bien de l’humanité toute entière confrontée à une situation de péril. Cérès signe, de son côté, toute la minutie et la logistique liées au bon fonctionnement d’une organisation, telle que la Résistance. Point d’initiative dans la précipitation, point de dessein sans un minimum de calcul et de mesure, le terme de « mesure » étant ici approprié puisqu’il dénote aussi bien l’idée d’évaluation que celle de modération. Cérès, c’est aussi l’idée de sacrifice et de dévouement à une cause plus modeste, l’idée que le monde peut changer en aidant son voisin, que le labeur commence par un travail sur soi-même et sur son proche entourage. La conjonction Neptune/Cérès met en exergue l’axe VI/XII ou Vierge/poissons dans ce qu’il a de plus noble : le dévouement, la compassion, le secours, le sacrifice à un idéal, le service au plus grand nombre…

En M X, la Maison de Saturne, la conjonction est de plus placée sous l’égide d’une certaine idée de concrétisation des ambitions et évoque le devoir patriotique, la « prise de responsabilité ».

Cette conjonction culminante semble être le moteur même du thème dans son ensemble. Elle en indique tout au moins, sa direction principale, et elle explique pourquoi la notion de responsabilité (Saturne) concernant une communauté (Neptune) mais aussi le sens du devoir de chacun (Cérès) a pu concrètement s’exprimer au travers d’un grand nombre de personnes nées à l’époque.

Cérès comme Neptune, révèlent leur présence tout au long du film, à chaque étape-clé, lors de l’apparition de chaque nouveau personnage, comme si cette énergie circulait d’un individu à un autre, les liants intimement les uns aux autres.

– Une conjonction Mars/Mercure faisant partie d’un amas en M VIII et en Cancer, et rassemblant pas moins de quatre planètes personnelles (Soleil, Vénus, Mars et Mercure). Cette conjonction Mars/Mercure indique clairement la volonté de s’opposer de toutes les manières (physiques, cérébrales) à un certain schéma Plutonien en M VIII (la destruction, l’invasion) dans l’objectif d’une régénérescence et d’une reconstruction, par le principe de la Résistance. Le signe du Cancer fortement occupé se rapporte, quand à lui, à la notion de patrie (identification et défense de son milieu) et de défense de valeurs traditionnelles, familiales, patriotique.

– Une conjonction Jupiter/Saturne en M VI qui évoque la force d’inertie, la solidité face aux changements ainsi que les actions déterminées et patientes. En Maison VI, cette conjonction trouve sa résonance avec Cérès (Maître de Maison), et met en exergue le fait que le devoir supérieur (Saturne) lié à la notion de générosité (Jupiter) doit trouver son aboutissement dans le quotidien et face aux contraintes, dans la méthode et la réserve.

Par ces trois conjonctions, nous retrouvons donc, les moteurs principaux liés à l’origine de la Résistance, et reliant par la même les MM VI (l’existence au quotidien), VIII (la mort et la destruction par excellence) et X (Les décisions collectives, la « politique »).

Par la même, nous pouvons constater que le « moteur général » d’un évènement astrologique majeur fonctionne naturellement quand il implique le transit simultané de planètes lentes (Neptune et Saturne), de semi-lentes (Jupiter) et de rapides (Cérès, Mars et Mercure), judicieusement répartis et propres à une convergence.

Joseph Kessel : un « résistant-né »

Il semblait utile et instructif de comparer le thème natal de cet appel historique du 18 juin 1940, avec celui de l’auteur du livre « L’Armée des Ombres », Joseph Kessel (né le 10 février 1898 à 08 h 20 à Clara, Argentine) afin de déterminer de quelle manière et avec quelle force, cette date a été marquante pour lui.

Carte natale Joseph Kessel

Au 18 juin, La conjonction Neptune/Cérès vient se positionner dans sa M VI (la Maison de Cérès), en carré à sa propre conjonction natale Neptune/Cérès, en M III et en Gémeaux. Dans le thème natal de l’écrivain, cette conjonction large de Neptune et Cérès est toutefois complétée et reliée par la présence de la Lune Noire et de Pluton, le duo devenant quatuor et mêlant ainsi toutes les notions de secrets, d’épreuves, de privation et de mort, savamment exploité en M III et en Gémeaux (la communication par excellence). Rappelons au passage qu’un aspect, quel qu’il soit, se manifeste bien avant l’aspect exact et que, dans le cas de Joseph Kessel, l’aspect de carré croissant concernant Cérès (la manifestation d’une crise d’action), a joué d’effet sur ses probables décisions futures, celles que l’on lui connaît en tant que résistant mais également en tant qu’auteur.

Thème de Melville

Jean-Pierre Melville

La conjonction Mars/Mercure en transit fait écho à sa propre conjonction natale Mars/Mercure en M X et en Capricorne. Les deux conjonctions sont en opposition dans l’axe de ses Maisons IV et X – Cancer/Capricorne : le domaine dans lequel cette opposition se devait d’agir concerne donc bien le patriotisme, la politique et toutes les valeurs de préservation et de protection.

Il est clair que cette double conjonction de planète rapide en opposition lui intimait l’ordre de réagir de façon rapide et primaire, dans l’urgence de la nécessité. L’opposition est également un appel à l’équilibrage et on retrouve ici une double impulsion astrale: la volonté de « résister et de se battre physiquement » (Mars) ainsi que la nécessité de faire connaître par ses écrits (Mercure) l’ampleur du fléau qui se jouait.

La conjonction Jupiter/Saturne transite la cuspide de sa M II (en Taureau) et forme un quinconce à Saturne natal d’une part (en M IX et en Sagittaire), ainsi qu’un autre à Jupiter natal d’autre part (en M VII et en Balance). Il s’agit d’un Yod de transit, une sorte donc d’appel supérieur à entamer une action qui nous dépasse souvent… En M IX et en Sagittaire, Saturne signe le principe des idéologies âprement défendues et ce quinconce met en exergue la nécessité de leur consolidation. En M VII et en Balance, conjoint à la Lune de surcroit, Jupiter indique le potentiel des valeurs sociales et humaines de l’auteur, le quinconce appelant à un renforcement de celles-ci dans un élan naturel vers l’autre. De plus, la conjonction de transit Jupiter/Saturne se place chez lui en M II et indique avec force la notion de conservation durable et profitable des acquis.

 

Pour conclure, il ne fait aucun doute que « cet Appel là », a sensiblement raisonné dans l’esprit de Joseph Kessel, qui, par la force des transits énumérés ainsi que par son amas en Gémeaux et en M III, ne s’est pas seulement contenté de participer activement à la Résistance, mais a su également trouver les mots appropriés (notamment dans Le Chant des Partisans) pour traduire et faire connaître à sa manière, les évènements de l’époque.

Les deux thèmes abordés laissent apparaître les mêmes dominantes, et en premier lieu, le duo Neptune/Cérès qui parait être le moteur suprême de cet épisode de l’histoire. Comme vous allez pouvoir le constater, ce moteur semble également omniprésent dans la personnalité de chacun des trois héros du film.

Il ne nous restera alors qu’à définir les particularités individuelles propres à chacun d’entres eux, afin d’en dégager une troisième dominante.

Philippe Gerbier

Interprété par Lino Ventura, Philippe Gerbier est le dirigeant d’un réseau résistant basé à Marseille. Il dissimule habilement ses activités grâce à sa profession d’ingénieur des Ponts et Chaussées.

Lino ventura

L’influence de Saturne

Personnage principal et pilier du film, Philippe Gerbier apparaît comme un être inébranlable dans sa force de caractère, un homme froid, déterminant, charismatique.

Dès le premier quart d’heure du film, cette perception du personnage n’échappe d’ailleurs pas au commandant du camp (interprété par Alain Mottet), qui reçoit Philippe Gerbier dans son bureau, et qui oscille perpétuellement entre deux manières de se comporter envers lui:

– Celle consistant à le ménager, parce que sa froideur laisse transparaître l’idée qu’il détient un pouvoir important, qu’il est au dessus de tout, qu’il peut compter sur des appuis élevés. – Celle consistant à le mater, parce que son assurance déplait, met mal à l’aise et parce qu’on n’est pas certain qu’il n’est pas un simple exécutant.

On retrouve ici, la manifestation d’un Saturne puissant, qui teinte le personnage d’un esprit de commandement, d’une image de solidité ainsi que d’une parfaite maîtrise de ses émotions.

L’influence de Cérès

Évoquée précédemment, il s’avère que, durant la totalité du film, les seuls sentiments dont Philippe Gerbier semble capable de faire preuve sont résolument voués à son « Patron ». Pour preuve, et au seuil de la mort, devant l’imminence de son exécution, il déclame avec froideur son attachement à l’organisation, au raisonnement et à la hiérarchie :

« Le mot « Aimer » n’a de sens, pour moi, que s’il s’applique au « Patron ». Je tiens à lui plus qu’à tout… plus qu’à tout mais moins qu’à la vie. Luc Jardie disparaissant, je voudrais tout de même vivre… et je vais mourir… et je n’ai pas peur. C’est impossible de ne pas avoir peur quand on va mourir. C’est parce que je suis trop borné, trop animal pour y croire. Mais si je n’y crois pas jusqu’au dernier instant, jusqu’à la plus fine limite, je ne mourrai jamais. Quelle découverte ! Et comme elle plairait au patron ! Il faut que je l’approfondisse… il faut…. »

La dominance de Cérès vient s’ajouter ici, à celle de Saturne, l’énergie qu’elle véhicule étant destinée à une notion de service et amplifiant le sens du devoir par le sens des responsabilités. Ici, il n’est plus question seulement de commander, de conduire un objectif, mais d’épauler et de collaborer, dans un but ultime, celui de servir un plus « grand » que soi. La notion « d’abstraction de soi» vient se greffer à la notion de commandement, faisant partie intégrante de cette dernière, l’une et l’autre étant intimement, profondément et viscéralement liées dans l’état d’esprit de Philippe Gerbier.

Synthèse de l’influence Saturne/Cérès

On ne connaît à Philippe Gerbier aucune relation privée, qu’elle soit sentimentale ou amicale. S’il lui arrive, en de rares occasions furtives, de faire preuve de sympathie, celle-ci n’est destinée qu’à ceux et celles qui travaillent et progressent avec lui dans un même but commun, c’est-à-dire la satisfaction d’un devoir accompli sous l’égide d’une mission supérieure. En une seule et unique occasion du film, cette sympathie est dirigée vers le jeune communiste nommé Legrain (interprété par Alain Decock), prisonnier dans le même camp que lui, et donc voici un court échange :

Philippe Gerbier : Au revoir, camarade ! Legrain : Mais… vous êtes communiste ? Philippe Gerbier : Non, mais cela ne m’empêche pas d’avoir des camarades.

Philippe Gerbier n’est véritablement capable que d’éprouver de la sympathie, mais jamais plus, comme si une certaine rigueur morale, une trop grande pudeur, le lui interdisait.

Le duo Saturne/Cérès joue encore de son action dans ce simple trait de caractère, dans une conception assez délicate des rapports d’amitié réelle, parce que le scepticisme, le doute et la méfiance font partie intégrante de l’énergie propagée par ses deux astres. L’être ne se confie pas facilement, il doute de tous les types de rapports, et s’il ressent une certaine estime vis-à-vis de quelqu’un, cette estime est toujours empreinte d’une certaine suspicion inconsciente.

L’influence de Neptune

Il n’est jamais fait allusion aux origines de Philippe Gerbier, à sa famille, à ses parents. De même, ses goûts personnels, ses préférences, sa façon d’être dans l’intimité (si tant est qu’elles existent réellement) sont littéralement absents du film.

Neptune vient finalement coiffer le duo Saturne/Cérès déjà existant. Outre la signification possible d’une vie basée sur l’épreuve ou la douleur, Neptune distille également sa part de secret, Philippe Gerbier étant résolument mystérieux et se dévoilant peu, ne laissant transparaître de sa personnalité que ce qu’il veut bien nous laisser entrevoir. D’autre part, allié à Saturne et à Cérès, Neptune est bien loin des considérations allégoriques et imaginaires que l’on peut retrouver chez certains Neptuniens. Cette énergie Neptunienne là, répond à un autre impératif, celui de servir avec rigueur et entendement (Saturne/Cérès), dans un but universel et absolu (Neptune).

Synthèse

La personnalité de Philippe Gerbier est donc essentiellement marquée par la rigueur et la réserve. C’est un homme sans passé, présenté comme s’il n’avait jamais été jeune et insouciant, comme s’il était né adulte et animé d’emblée d’une mission particulière envers le monde. Dans la manifestation de son personnage, nous décelons les trois énergies astrologiques fondamentales :

Neptune, pour l’aspect d’une vie faite de secret, d’ombre et d’épreuves.

Cérès, par la rigueur professionnelle qu’elle traduit, par la notion de sacrifice qu’elle suggère à l’encontre de son employeur, de son supérieur, de son « Maître » et par de là d’une cause transcendante.

Saturne, sa troisième dominante, par sa force de commandement, son caractère peu commun, sa froideur.

Mathilde

Interprétée par Simone Signoret, Mathilde est le second rôle principal du film. Elle représente la seule touche féminine de celui-ci, touche nécessaire pour deux principales raisons :

– Le film aurait probablement manqué de sensibilité s’il n’avait été conçu que dans un milieu exclusivement masculin. – Sa présence nous rappelle que la Résistance n’a pas seulement été une affaire d’hommes, les femmes elles aussi, ayant participés activement à son expansion.

Simone Signoret

L’influence de Jupiter

Mathilde se révèle être une femme de caractère, à la personnalité attachante, parce que dès les premiers instants, on sent chez elle ce fabuleux mélange de ténacité et de douceur, de générosité et de détermination. Il faut probablement reconnaître dans son humanisme communicatif la marque de Jupiter. Elle pressent que son rôle consiste à sauver une partie de l’humanité, mais elle ne peut se résoudre à l’unique bienveillance universelle (Neptune) ou au dévouement impersonnel (Cérès). Elle a le désir de répandre sa bienveillance autour d’elle, auprès de chacun. Mathilde sait de plus guider et conseiller ses partenaires de combat, tout au long du film, ce qui est par excellence une fonction jupitérienne. Ici, elle conseillera à Philippe Gerbier de se faire « oublier », de sortir du circuit de la Résistance, parce qu’elle sait qu’il est recherché, qu’il risque mille tortures avant de mourir. Là, elle saura faire preuve d’esprit charitable, dénué d’animosité ou d’esprit de vengeance envers Jean-François Jardie (interprété par Jean-Pierre Cassel) qu’elle croit, à tord, être un traître ou un déserteur de la Résistance. Là encore, elle aura l’appui de ses compagnons fidèles, quand elle-même sera soupçonnée de traitrise, ceux-ci se rebellant avec force contre l’idée de participer activement à son exécution. Pour preuve, cet extrait de dialogue entre Philippe Gerbier (apprenant la possible trahison de Mathilde), et Guillaume Vermesch (interprété par Christian Barbier) :

Philippe Gerbier : Mathilde est à liquidée d’extrême urgence et par tous les moyens. Guillaume Vermesch : Je ne toucherais pas à Madame Mathilde, c’est une grande femme … Qu’elle nous vende tous si elle le veut : elle m’a défendu, elle vous a défendu, maintenant elle défend sa fille, ce n’est pas à nous de juger.

Mathilde inspire la générosité, le don de soi, l’entraide et devant un tel déploiement de largesses, nul ne peut se permettre de la contredire, nul s’ose contester ses décisions parce qu’elles sont justes et profitables.

L’influence de Cérès

Toute la bonté et la générosité dont Mathilde fait preuve, trouvent aussi leur origine dans la présence de Cérès.

Concernant la personnalité de Mathilde, ces actions et pensées se sont jamais irréfléchies, ne se construisent jamais dans l’excès ou l’exaltation émotionnelle (ce qui peut-être le cas du jupitérien). Mathilde ne juge pas, mais jauge. Elle est capable d’évaluer une situation donnée et d’en tirer le meilleur profit possible pour elle et pour ses compagnons d’infortune. L’apport Cérésien ajoute un surplus de discernement et de lucidité aux valeurs de Jupiter. « Elle est aussi capable de commander que de servir», dira-t-on de Mathilde durant le film.

On retrouve là toutes les valeurs de l’alliance Jupiter/Cérès utilisée à bon escient.

L’influence de Neptune

Par son statut de planète la plus lente, Neptune indique, une fois encore, la direction principale que les énergies planétaires plus rapides doivent suivre.

Neptune, allié à Jupiter et à Cérès, embellit la personnalité de Mathilde dans la notion de sacrifice de soi, parachèvement ultime et essentiel du personnage.

Mais, Neptune se décline également chez Mathilde sous une forme différente et la dote de cette petite part de déraison ou d’égarement, qui fait que celle-ci ne peut se résoudre à se défaire d’une photo de sa fille, soigneusement rangé dans son portefeuille, alors qu’elle sait pertinemment que sa découverte pourrait la conduire à sa perte (ce qui sera le cas). Il n’échappera pas au spectateur que, malgré l’esprit de discernement et la fermeté dont Mathilde est capable de faire preuve envers les autres, il n’en demeure pas moins qu’elle est une femme sensible, profondément humaine, et pour le moins capable de faiblesses envers elle-même.

Synthèse

Allié aux valeurs Neptuniennes et Cérésiennes, Jupiter est ici sublimé. Point de démonstration d’envergure chez Mathilde, point de manifestation expansive et opulente. Ce Jupiter-là est sensiblement adouci par Neptune (le dévouement) et Cérès (la réserve). Il reste le gardien qui veille, presque silencieusement mais efficacement sur ses partenaires, distillant ses conseils avisés et prodiguant secours et assistance. Mathilde fait preuve d’une grande humanité, d’un immense respect pour la vie, d’une sobriété, voire d’un effacement de sa propre condition, face aux priorités collectives qui lui sont soumises et qu’elle juge plus importantes.

Luc Jardie

Interprété par Paul Meurisse, Luc Jardie est à la tête du réseau dirigé par Philippe Gerbier. C’est lui le « Patron ».

astro filmique

L’influence de Pluton

Luc Jardie est probablement la personnalité la plus énigmatique du film, comme entourée d’une aura de mystère qui perdure du début à la fin. Comme pour Philippe Gerbier, nous ne connaissons rien de ces origines en dehors de son appartenance à la Résistance. Mais à la différence de ce dernier, nous apprenons qu’il a un frère (en la personne de Jean-François Jardie) avec lequel il ne partage d’ailleurs rien d’autre qu’une relation fraternelle. Il ne lui avouera jamais sa vie « parallèle » au sein de la Résistance, mais il ne semble pas enclin non plus à connaître celle de son frère, pourtant tout aussi « parallèle ». Il est évident que la période liée à la Résistance ne permettait à quiconque de se laisser aller à des confidences sur ses activités personnelles et cachées. Mais, de la part de Luc Jardie, l’on pouvait s’attendre à un comportement différent vis-à-vis de son propre frère, sa seule famille.

Luc Jardie est comme imperméabilisé à tout notion existentielle relevant de l’humain, dans le sens où l’on ressent bien qu’il est au dessus de toute considération communément « mortelle », de celle que l’on pourrait avoir, ne fut-ce que par rapport à un membre de sa propre famille. Luc Jardie est bien au dessus de tout cela, et de la même manière qu’il ne se confie pas, il ne souhaite pas que l’on se confie à lui.

Luc Jardie mène sa vie en dehors du temps, parce qu’il sait que les choses sont éphémères, et qu’il a appris à évoluer au travers d’une banalisation des plans matériels et physiques de sa vie, cette notion étant viscéralement ancrée en lui. A ses yeux, tout nait, tout vit, tout évolue et finalement, tout meurt avec lui : les appartenances, les situations, les êtres vivants. Cela n’en fait pas un défaitiste pour autant, puisqu’il contribue efficacement et personnellement à la réalisation des objectifs qui lui sont chers, ceux liés à la Résistance. Il est seulement un homme qui a compris qu’il n’existe pas véritablement de suite par delà l’Homme, qu’il n’est que l’un des petits rouages d’une immense machine – la Résistance (mais aussi la vie d’une manière générale), et qu’après lui, viendra le renouveau.

Là où Philippe Gerbier et Mathilde savent qu’ils œuvrent pour une bonne cause mais également, dans le but d’un prolongement de leur propre identification (sa survie personnelle concernant Gerbier, la survie de sa fille concernant Mathilde), Luc Jardie lui, ne possède rien qu’il ne puisse laisser derrière lui et qui vaille la peine d’être regretté.

Les valeurs de Pluton donnent ici, la pleine mesure de ce que cet homme est capable de tolérer dans son existence, comme de s’en défaire.

L’influence de Cérès

Malgré son statut de « Patron », Luc Jardie n’en est pas moins un homme de terrain. Il existe plusieurs scènes du film qui démontrent ce fait, et notamment, son embarcation nocturne à bord d’un sous-marin britannique ralliant l’Angleterre afin de convoyer personnellement un groupe d’aviateurs. Il fait aussi office d’intermédiaire prudent et responsable (concernant le différent qui oppose Philippe Gerbier qui souhaite la « liquidation » de Mathilde, à deux de ces compatriotes fondamentalement contre cette idée). Avec une extrême finesse, il saura ramener la paix dans la conscience de chacun, faisant preuve de beaucoup de lucidité. Ce statut d’exécutant n’échappe d’ailleurs pas à Philippe Gerbier qui lui dira, à propos de sa participation à la liquidation de Mathilde :

«Vous dans cette voiture de tueurs ; il n’y a décidément plus rien de sacré en ce monde. »

On sent bien ici tout l’ambiguïté du mélange Cérès/Pluton qui peut aussi signer le bourreau, non en tant que sadique mais en tant qu’exécutant (Cérès) de la Mort (Pluton).

La notion de médiateur propre à Luc Jardie nous renvoie également au signe de la Vierge et à Cérès qui, par sa contribution, fait le lien très net entre le signe du Lion (dans la façon de concevoir individuellement les choses) et le signe de la Balance (dans la manière d’appliquer ses choses, de les traduire socialement). Il existe un biais très simple et applicable par tous, à cette notion propre à Cérès : Etre en mesure d’appréhender d’une manière objective et égale une situation, que celle-ci nous soit propre (Lion) ou qu’elle concerne autrui (Balance).

L’influence de Neptune

Enfin, de nombreuses descriptions caractérisent l’appartenance de Luc Jardie au groupe des Neptuniens. En premier lieu, sa qualité de philosophe de renom, auteur de plusieurs ouvrages regroupant ses différentes conceptions de pensées, qui ajoute à son personnage une réelle élévation d’esprit, une sagesse toute personnelle, un certain détachement aussi, du monde matériel et de ses déconvenues. A noter que l’aspect littéraire et philosophique du personnage passe pratiquement inaperçu tout au long du film, à peine évoqué à deux reprises par Philippe Gerber et Jean-François Jardie.

En dehors de son appartenance au réseau résistant, cette aptitude philosophique le pousse notamment à mener une existence plutôt contemplative et absente, vivant en reclus dans un hôtel particulier, écoutant avec délectation la Pastorale de Beethoven. C’est du moins ainsi que Luc Jardie apparaît pour la première fois dans le film : un homme en dehors du temps, n’ayant aucune conscience de se qui se trame à l’extérieur, en tous les cas en apparence.

Par ailleurs, Jean-François Jardie n’est pas le dernier à être persuadé du tempérament rêveur et absent de son frère ainé, puisque c’est en ces termes qu’il nous dresse le portrait de celui-ci. A cette fin, il le surnomme familièrement « Saint Luc », ce qui parachève la part Neptunienne propre au personnage.

Il semble que Luc Jardie aime à se réfugier de temps à autre dans cette part là, contrastant notablement avec les valeurs Cérésiennes et Plutoniennes précitées, fuyant pour un moment et à sa façon la réalité existentielle qui se déroule sous ses yeux.

Synthèse

Dans ce portrait, Cérès semble venir contrebalancer les tendances de Neptune et de Pluton. Astre plus rapide, elle permet d’humaniser quelque peu le personnage de Luc Jardie, et sans elle, il est probable que nous nous retrouverions face à un homme qui n’en serait plus tout à fait un, aux dimensions surhumaines tant par son côté impénétrable (Pluton) que par celui de sa sublimation (Neptune).

Nous retrouvons d’ailleurs ces deux dimensions distinctes et pourtant complémentaires dans le seul titre de l’un des ouvrages écrit par Luc Jardie : « Transfini et Continu ».

Conclusions

La signature Neptune/Cérès, soutenue par l’apport d’une troisième dominante, semble se décliner différemment au travers de chaque personnage étudiée. Cette signature de base s’avère être des plus efficaces, et cette synergie opérante n’est pas sans nous rappeler que les deux astres sont respectivement maîtres de deux signes provenant du même axe : la Vierge et les Poissons, les MM VI et XII. Ceci tend à démontrer qu’une planète en domicile mais également en exil peut jouer de manière bénéfique dans un thème natal, et peut trouver une certaine dynamique positive (voir notamment Neptune en exil dans le signe de la Vierge dans le thème de l’Appel du 18 juin), à condition de savoir envisager les autres dominantes du thème qui l’accompagne.

D’autre part, et bien que dans l’étude réalisée, la puissance du duo Neptune/Cérès ne fasse aucun doute, nous constatons qu’il semble délicat et risqué de caractériser un individu quelle qu’il soit, sans l’apport d’une troisième dominante au minimum, permettant ainsi un affinage, une particularisation du tempérament étudié. Ainsi, une même conjonction de deux planètes dans plusieurs thèmes individuels verra naître une multitude de caractères pourtant différents, selon la ou les dominantes associées à la conjonction de base.

entre film et histoire

Enfin, il nous semblait judicieux de conclure cette étude en laissant, comme il se doit, la parole à l’un des protagonistes du film, celui-ci réduisant en peu de mots dans sa synthèse, les éléments qui permettent d’aborder une conjonction telle que celle de Neptune/Cérès :

« Il est étrange de penser que le Grand Patron a les dimensions et le poids de tout le monde. Dans cette barque, le Sommet et la Base de la pyramide se rejoignent. Curieuse mathématique…. ».

 

Tous droits réservés Anne Bresciani

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4 thoughts on “Analyse filmique par l’astrologie : un exemple

  1. Quel plaisir de suivre l’astrologue remonter les pages et traverser la mer de celluloïd: un beau voyage rempli de découvertes 😆 !

  2. Wouha ! Je trouve cette analyse tout bonnement géniale. 😀
    Et en plus ça nous permet de nous familiariser encore plus avec Cérès. J’adore. 🙂

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