L’astrologie et le libre-arbitre

J’ai eu il y a quelques temps un débat par correspondance avec un autre astrologue, au sujet du libre-arbitre. L’échange me semblant intéressant pour tous (et s’étant déroulé de façon parfaitement courtoise), j’en publie ici une retranscription quasiment in extenso (ont été toutefois supprimées les références à des personnes ou des organismes). Je garderais également l’anonymat de mon interlocuteur qui sera donc nommé « J » tandis que mes propos seront annoncés en tant que « A2L », l’acronyme d’Autourdelalune. Pour donner le contexte, on me demandait simplement de déterminer, en tant qu’astrologue spécialisé dans le karmique, ma position face au libre-arbitre.

A2L: J’ai toujours défendu une astrologie non-déterministe: je crois au libre-arbitre de chacun même si tout le monde ne l’utilise pas et que certains se retrouvent littéralement « ballotés » par leur ciel. Le travail du professionnel en astrologie est précisément d’aider la personne à (re)trouver autonomie et pleine capacité décisionnelle, à reprendre ce faisant sa vie en main en évitant toute dépendance.

J : Il me semble qu’il existe une ambiguïté entre l’encouragement à l’autonomie et la référence au Karma ; du moins si la notion même de Karma n’est pas solidement précisée et cloisonnée. Le problème existe surtout là où le mot Karma est diversement véhiculé et où le grand public ne fait pas ou n’est pas en mesure de faire la part des choses. Il est et il reste délicat, voire dangereux, de laisser entendre que certaines situations vécues, ou une façon particulière d’aborder le cadre de sa propre vie, sont conditionnés, voire déterminés par des choix, des actes, des décisions faits dans une dimension (une autre vie) à propos de laquelle on ne peut rien vérifier. La notion de karma répond, il est vrai, à la question de savoir « comment expliquer nos déterminants astrologiques » (à supposer qu’une relation puisse être établie avec une configuration du ciel). Le piège de la fatalité ou d’une mise en condition incontournable de notre parcours de vie est souvent évité par le praticien astrologue lorsqu’il conjugue son analyse karmique avec le souci d’accompagner son consultant dans une prise de conscience libératrice. Mais ce n’est pas toujours le cas pour le consultant lui-même ! Je pense personnellement que si nous ne pouvons nier notre imprégnation psychique à la naissance, à partir d’une dimension qu’il est commode de situer dans un inconscient collectif, autre chose est d’établir un fil causal avec une ou des vies antérieures. Il me semble que lorsque nous illustrons un aspect astrologique ou une dominante planétaire, en utilisant pour cela l’exemple d’une situation vécue, cela tient tout au plus de la métaphore, alors même que cette situation ne peut que désigner un processus psychique qui reste à décrypter.

A2L : Il me semble ici qu’il s’agit avant tout de conviction personnelle et, après tout, on peut malheureusement mal faire et faire mal avec n’importe quel outil: l’hypnose, les techniques PNL, certains thérapies cognitives pour ne donner que quelques exemples (mais je pourrais parler de la kinésithérapie en équivalence sur le plan physique) peuvent faire tout autant de ravage si on les utilise mal ou si l’outil n’est pas approprié à la situation et aux besoins.

Le libre-arbitre astral

J : Tu as bien évidemment raison. Je pense toutefois que le problème de toute discipline insuffisamment réglementée est que l’outil est disponible à qui veut s’en saisir. Le problème s’amplifie lorsqu’on sait que la grammaire astrologique est relativement accessible en comparaison à nombre de disciplines « psy » (ou médicales) (j’ai suivi plusieurs formations en Gestalt, Psycho synthèse, PNL et Analyse transactionnelle et la délivrance d’une certification d’aptitude y est strictement gérée). De plus, le public qui s’adresse à l’astrologie est assez souvent – et crédule – et vulnérable. Autant de raisons pour aspirer à un cadre ; le principe étant de « faire le ménage » à l’interne de notre discipline si nous aspirons à un regard moins critique depuis l’extérieur. A moins qu’on ne choisisse de considérer que l’astrologie est une discipline aboutie, se suffisant à elle-même et pouvant vivre en vase clos.

A2L : La notion même d’inconscient est d’ailleurs depuis quelques années remise en question par des gens on ne peut plus sérieux: cette invention freudienne, pour séduisante qu’elle est, n’étant après tout qu’une interprétation du fonctionnement de l’esprit. Et comme toute interprétation, elle peut être contestée, remise en question.

J : Certes, et j’aouterai que les neurosciences et leur descriptif des fonctionnements de notre cerveau, conçu comme un simple organe soumis à des fonctions physiques, chimiques et électriques, sont en train de remettre en question – et la notion de « sujet » – et la psychanalyse. De forts débats sont en cours en France notamment et deux logiques s’affrontent : celle de la rationalité scientifique et celle des « lois » du langage. Entre ces deux visions de l’humain.., où situer l’astrologie ?

A2L : Le principal me parait d’abord être « ne rien imposer »: personnellement, non seulement j’adapte mon travail à la demande (et je ne parlerais donc jamais de karma à quelqu’un qui n’en fait pas la demande) mais c’est aussi l’intention que l’on met derrière: enfermer la personne ou tenter de la libérer, la rendre dépendante ou au contraire autonome. Toutes les techniques de développement humain doivent répondre à cette question.

J : Evidemment !

A2L : Les points sur lesquels nous achoppons est d’accepter ou non l’idée d’une ligne directrice de vie (d’un karma donc) et de l’influence des astres au niveau dynamique (transits, progressions). Et ce n’est pas parce que je suis quant à moi convaincu de l’existence de l’un et de l’autre que je dis que l’être humain est soumis de façon fataliste et irrémédiable à ces flux. Ils sont là, il faut composer avec mais plus l’on travail sur soi (en psychologie et au niveau spirituel), plus on est libre. Je répète toutefois que nombre de personne ne font aucun travail de ce type et pour ceux-là, il faut bien constater que le poids du karma comme des transits est considérable et indéniable.

J : Il est exact de considérer que nous pouvons et que nous devons travailler chacun sur ce qui nous anime. En revanche, je pense (encore une fois : personnellement, c’est donc avant tout mon point de vue) que ce qui nous « conditionne » psychiquement dans une phase de notre vie n’est pas le résultat stricto sensu du karma ; à moins que de distinguer clairement l’incidence de notre configuration initiale et comment nous avons commencé à interagir avec le monde et avec les autres à partir de là. Ainsi, des fractures psychiques et des accidents de parcours peuvent aussi découler de circonstances sociales, familiales, économiques, politiques qui concernent un lieu et un moment particulier, et sans que nous en soyons la « cause ». Ou alors, irons-nous jusqu’à établir une causalité karmique au fait de nous trouver collectivement au mauvais moment et au mauvais endroit ? Bien entendu, il y a aussi et plus simplement le processus de cause à effet ; c’est le « karma » qui est en train de se construire. Je reviens alors sur deux réflexions inscrites plus haut ; à savoir 1. différencier ce qui viendrait d’une expérience antérieure à notre chemin actuel de vie par rapport à ce que nous enregistrons et engrammons comme empreintes (ici et maintenant) dans nos mécanismes psychologiques, jour après jour ; 2. Prendre en compte que le grand public associe directement le karma à l’idée de vies successives ; d’où l’importance d’une information aussi complète et nuancée que possible. A ce propos, le seul mot astrologie, lui aussi, requiert sans cesse des précisions ; à défaut desquelles les oreilles se tendent et s’attendent à ce qu’on parle de destin, de déterminisme, de prédestination… Ce qui me conduit souvent à n’aborder le sujet que si j’ai l’occasion de bien préciser de quelle l’astrologie il s’agit. Nous sommes tributaires d’un « passif » que nombre d’astrologues n’ont pas manqué de mettre en place et continuent à entretenir…

débat astrologique

A2L : Oui, je suis pleinement d’accord avec tout cela. Et un certain nombre de règles déontologiques en découle : De ne confondre et laisser confondre la pratique de l’astrologie avec celle de la voyance puisque celle-ci prétend voir des événements qui seraient écrits par avance et inéluctables. Donc, en tant qu’astrologue, ne pas prétendre qu’il va arriver ceci ou cela. On peut par contre dégager des tendances et des ressentis spécifiques. Renoncer à cela, c’est renoncer à l’utilisation de l’astrologie dynamique.

J : Et donc, de préférer les notions de climat, d’induction, de sollicitation, d’amplification pouvant être abordées sur base des cycles astrologiques ; étant entendu que, souvent, la prise de conscience (au préalable) d’un processus psychologique interne nous fait observer que tel transit planétaire ne fait que ponctuer et qu’illustrer, dans sa symbolique, ce que le consultant a pu intégrer, modifier, dynamiser dans son vécu.

A2L : Tout à fait. Il me semble aussi crucial de pratiquer une astrologie du sujet (en conjuguant inné et acquis) et non une astrologie de l’objet privilégiant la technique. Il est essentiel de comprendre comment la personne vit son thème, quelle est sa réalité de vie.

J : Un niveau qualitatif d’intelligence dans notre approche de notre propre vécu et de notre thème nous conduit à avoir une lecture tout autre de la notion même du « karma », à supposer qu’on y fasse référence. Cela souligne notre grande responsabilité en tant qu’astrologues, les personnes les moins informées quant aux subtilités du fonctionnement de leur monde psychique interne étant souvent celles qui font appel à une astrologie susceptible de répondre au premier degré à leur besoin de savoir « ce qui va se passer ? », et non « que puis-je comprendre à travers ce que je suis en train de vivre ?».

A2L : Oui, toutefois les gens ne demandent qu’à être informé. Pour le professionnel, cela est certes un sacrifice de temps, à savoir qu’il inclut dans toute prestation une phase didactique ayant pour but d’au moins initier la personne venant le consulter aux concepts psychologiques ou spirituels qu’il va manier pour lui répondre. D’autre part, il est en effet de la responsabilité de chacun de prévenir individuellement que l’astrologie n’est pas ce qu’elle apparaît être à travers les mass media. Il y a donc en effet un travail à la fois d’information du grand public et de formation des professionnels à effectuer.

J : OUI ! J’ai toujours commencé mes entretiens en exposant le plus simplement et synthétiquement possible quel était l’outil astrologique utilisé, de sorte que le consultant participe véritablement à la découverte – lui et moi, ensemble – de son thème ; l’astrologue étant là tout au plus pour accompagner le « sujet » dans cette découverte. Ce qui évite assurément la prise de pouvoir du « praticien » qui détiendrait seul la grammaire et la capacité de lire la carte du ciel…

A2L : Par ailleurs je suis convaincu que beaucoup de praticiens de l’astrologie agissent avec les meilleures intentions, même s’il existe en parallèle de parfaits margoulins et escrocs. Il me semble toutefois que la priorité pour le bien de l’astrologie elle-même est de réunir les gens autour d’une table et d’informer le grand public de ce qu’il en sort. Chacun, en entendant les arguments des uns et des autres, devrait pouvoir se faire sa propre idée.

J : Je pense aussi que c’est par l’échange que l’on peut progresser. Je pense que tout ce qui contribue à remettre une personne dans la verticalité de ce qu’elle peut réaliser et accomplir, dans une meilleure conscience de « qui » elle est, du bagage dont elle dispose, mais aussi des processus qui l’animent et des conditionnements extérieurs (sociaux, familiaux…) qui l’ont parfois déviée de sa propre route, que tout cela peut être qualité de démarche « spirituelle » ; étant entendu qu’il y est question d’accompagner la personne vers une prise en main de sa vie, sans inscrire dans le mot « spirituel » autre chose que le fait d’être relié avec intelligence, avec cœur, et librement, au monde, aux autres, à l’univers.

A2L : En effet, la spiritualité est vaste et c’est une bonne chose: elle va de la philosophie à la religion en passant par le travail psychologique. Je te rejoins pour dire qu’aucune forme n’est mauvaise. J’ajoute même que dans l’idéal (mais je sais combien cela peut-être utopique), un praticien devrait être capable de renvoyer une personne à un de ses confrères s’il sent que la demande exprimée plus ou moins consciemment par cette personne, il ne peut lui-même y répondre. Personnellement, j’ai par exemple la chance de connaître amicalement plusieurs psychologues sur ma région et je n’hésite jamais à leur renvoyer les personnes qui me semblent avoir en priorité besoin d’une thérapie.

J : Ceci est essentiel – j’ai toujours précisé à mes consultants que je ne pouvais être ou devenir leur thérapeute. En revanche… tout échange, verbalisation et prise en compte de ce qui est important pour « l’autre » présentent une dimension… thérapeutique… Avec une note « spirituelle » indéniable…

A2L : Je conclurais en disant que je crois représenter une génération intermédiaire d’astrologues (du fait de mon âge) qui est susceptible (et qui a la volonté) de faire le pont entre une jeune génération souvent très talentueuse mais tout feu tout flamme et une génération plus ancienne, très expérimentée mais pas toujours ouverte au renouvellement incessant de l’outil astrologique qui DOIT intégrer les pensées et courant de son époque. La psychologie fait partie de ces courants (je respecte par exemple grandement l’oeuvre de Liz Greene) mais notre outil doit aussi intégrer une nouvelle forme de spiritualité (que l’on peut stigmatiser à travers le new-age mais qui est bien plus riche que cela). Je pense également représenter un courant modéré entre tout cela, capable de comprendre à la fois le point de vue des uns et des autres puisque selon les demandes, je pratique tout autant l’astrologie dans sa dimension psychologique que dans sa dimension spirituelle.

J : Je suis (personnellement) convaincu que la crise que le monde vit actuellement réclame un saut qualitatif et un retour à la quête du sens. L’astrologie nous conduit à la fois à une interrogation sur notre rôle personnel et intime, et à une réflexion quant à ce que nous pouvons chacun apporter comme réponse unique à la question « pourquoi sommes-nous là » et « quelle est notre pierre individuelle à apporter à l’édifice collectif ». À partir de là, et indépendamment de ce qui caractérise et différencie les générations d’astrologues, mon sentiment est que l’astrologie n’est sans doute qu’un maillon provisoire vers autre chose. Elle doit intégrer nombre de connaissances actuelles et donc revoir parfois ses fondements. Le fait de se fixer sur un acquis ou de s’en tenir à « ce qui marche et a toujours marché » en astrologie, ne me semble pas un fait « de génération », mais découler plutôt de notre conception personnelle de l’astrologie, que nous soyons débutants ou que nous ayons une expérience de quelques années. J’ajouterai que nombre de données physiologiques, psychiques et même quantiques nous conduisent aujourd’hui à resituer le juste propos de l’astrologie et, ainsi, à en faire véritablement un outil pour mieux saisir (dans l’histoire de l’univers) ce que représente l’émergence de la conscience de même que l’humanisation progressive de l’homme (toujours en projet). Il me semble en effet que l’astrologie nous indique en quoi notre développement psychologique, depuis la naissance et complémentairement à d’autres déterminants comme notre hérédité biologique et notre héritage culturel (tous deux étrangers à notre configuration astrale) … en quoi il est un moyen, non une fin en soi. En ceci, que notre personnalité psychologique est le cadre (non abouti) rendant possible (ensuite) l’expression complète de notre sujet conscient.

A2L : Oui, je suis entièrement d’accord avec cette approche.

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