Astrologie, chaos et déterminisme (1)

Comme toute discipline humaine, a fortiori parce qu’elle est millénaire, l’astrologie connaît la nécessité de sans cesse se redéfinir pour s’adapter aux besoins des sociétés, des cultures et des époques qu’elle traverse. Un des grands « re-penseur » de l’astrologie fut sans doute, aux Etats-unis, Dane Rudhyar. Mais en réalité, et avec plus ou moins de succès, de nombreuses initiatives ont vu et voient un peu partout le jour pour tenter de renouveler l’art des étoiles, c’est-à-dire non pas de le dénaturer mais de l’adapter, de « l’acculturer ». On peut par exemple saluer, en France, l’initiative de la FDAF visant à briser l’image mercantile et divinatoire de l’astrologie. Car un des problème majeur qui se pose est bien celui de la prévision, de la prédiction, de ce que le grand public a l’habitude d’appeler « l’horoscope ». L’astrologie sert-elle à prévoir, à prédire, à pronostiquer ? Peut-elle faire acte de prospective ? Rien que l’abondance de termes visant à évoquer « une vision du futur » est intéressante et demande à être approfondie. Car s’il existe plusieurs mots, c’est qu’ils signifient des concepts et des objectifs différents. Proches mais différents et c’est bien souvent dans la nuance que se cache la vérité, du moins une part de celle-ci puisqu’il faut se méfier de toute vérité se prétendant unique et universelle. C’est donc très modestement que je vais ici tenter d’apporter, à mon échelle, une contribution à la refonte de l’art d’Uranie en tentant de démontrer que l’astrologie pourrait (devrait ?) à la suite de nombreuses autres disciplines (la physique, l’astronomie, la météorologie, l’économie et même plus récemment l’histoire et la biologie) intégrer dans sa pensée « la théorie du chaos ».

La théorie du Chaos

« Le chaos » ! Voici un terme qui fait peur, qui semble par essence s’opposer à tout ce que l’homme recherche et qui tient dans ses antonymes : Ordre, Harmonie, Organisation, Civilisation, Continuité, etc.

Pourtant, il est utile de le préciser avant toute autre chose, la philosophie du Chaos n’a rien à voir avoir une pensée apocalyptique prônant une sorte d’anarchie cosmique. Pas plus qu’avec une démarche satanique (sic), nihiliste ou cynique. La théorie du chaos est une théorie tout ce qu’il y a de plus passionnante –et naturelle- si on veut bien dépasser la réaction émotionnelle que l’expression tend à provoquer.

Nous allons donc tout d’abord définir ce qu’est au juste cette théorie, ses origines et ses applications les plus courantes. Nous verrons en chemin en quoi elle semble parfaitement s’adapter à l’astrologie contemporaine.

La fin du déterminisme et l’effet Papillon

La théorie du chaos n’est pas, comme son nom pourrait aussi y faire penser, surgit du néant. En fait, la théorie du chaos est née de l’Ordre ou plutôt des limites d’une pensée humaine bâtie sur l’idée d’un ordre cosmique total, d’une horlogerie mécanique parfaite. Cette idée d’ordre, c’est ce que l’on appelle le déterminisme. Le déterminisme, en science mais plus généralement intellectuellement, cherche les certitudes et véhicule l’idée qu’une situation de type A conduit forcément à un résultat de type B. Le chaos met quant à lui l’accent sur une réalité difficile à nier : la vie, le monde, l’univers sont en partie au moins assujetti à l’incertitude.

C’est au XXe siècle que toutes les certitudes scientifiques (et d’un point de vue astrologique, on ne manquera pas d’y voir l’impact de la découverte de Neptune puis de Pluton, deux planètes de dissolution et de remises en questions profondes) que les certitudes intellectuelles accumulées jusqu’alors se sont écroulées les unes après les autres. Le pilier scientifique du déterminisme étant constitué par la physique newtonienne.

Or, Einstein, avec sa théorie de la relativité (1905) balaye en quelques formules l’idée d’un espace et d’un temps absolus. Puis, vers 1930, la naissance de la mécanique quantique porte le coup de grâce en affirmant qu’il est impossible de tout pouvoir mesurer. Aussi, un peu partout, les penseurs, les scientifiques, les chercheurs doivent désormais se faire à l’idée que la Nature ne répond pas à un ordre absolu et régulier. La pensée bascule d’une vision Vierge (Ordre) à une vision Poissons (Chaos) que l’on peut considérer comme l’aboutissement intellectuel de l’ère du Poissons. Pourtant, bien avant Einstein, un mathématicien de génie, Henri Poincaré (1854-1912) avait déjà remis en question le déterminisme newtonien. Il est intéressant de remonter jusqu’à lui pour comprendre, en profondeur, la transition entre la pensée déterministe et la pensée chaotique.

Poincaré fut le premier à réfléchir au problème de la dépendance de l’évolution de certains systèmes vis-à-vis des conditions initiales.

Jusqu’alors, c’est le postulat du mathématicien Laplace (1754/1828) qui formait le credo de tout scientifique et qui pouvait être résumé dans sa célèbre formule : « pour une intelligence qui embrasserait les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome, rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux ». Autrement dit, quiconque serait omniscient, quiconque donc pourrait tenir compte de l’ensemble des lois de la nature agissantes à un moment donné pourrait à la fois déduire le passé et le devenir de n’importe quel système.

Poincaré ne pouvait se contenter d’une telle théorie et écrivit dans son ouvrage Science et méthode :

« Une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable. Si nous connaissions exactement les lois de la Nature et la situation de l’univers à l’instant initial, nous pourrions prédire exactement la situation de ce même univers à un instant ultérieur. Mais, lors même que les lois naturelles n’auraient plus de secret pour nous, nous ne pourrions connaître la situation initiale qu’approximativement. »

Poincaré avait en effet constater que beaucoup de situation dans la Nature dépendent de manière extrêmement sensible des conditions initiales : un petit changement dans l’état initial du système, une méconnaissance d’un élément (même mineur) de ce système pouvait engendrer un énorme changement ultérieur. De plus, ce changement croît de façon exponentielle avec le temps, c’est-à-dire que plus on se projette dans le futur, plus on a de chance d’échouer dans sa prévision puisque des changements, certes mineures, s’accumuleront au fil du temps et seront aptes à totalement « changer la donne » (pour utiliser une image : c’est des petits ruisseaux que naissent les grandes rivières !). L’accumulation de ces perturbations, c’est ce que l’on appelle « chaos ».

Le chaos tel qu’il est ici défini n’est donc pas « une absence d’ordre » ou une confusion mais se rattache plutôt à une notion d’imprévisibilité, d’impossibilité de prévoir à long terme.

Parce que l’état final dépend de manière si sensible de l’état initial (qu’il est impossible de connaître intégralement tant les paramètres à prendre en compte sont nombreux) qu’un petit rien peut venir tout modifier. Poincaré le premier donc, et bien d’autres illustres penseurs à sa suite, devait donc reconnaître les limites de la science, les limitations de la prédiction scientifique, l’acceptation de l’imprécision.

Car, et c’est peut-être insuffisamment su du grand public, la science avait jusque là pour principal but de…prédire, d’anticiper, de prévoir. Voilà une remise en question radicale puisqu’elle touchait aux objectifs même de la démarche scientifique, de sa motivation. Est-il utile de dire que les astrologues n’ont pas su, de leur côté, intégrer ce grand tournant de la pensée humaine ? Toutefois, ne tirons pas trop vite sur l’ambulance car la communauté scientifique elle-même n’a véritablement « digéré » la théorie du chaos que dans les années 70 et que l’on peut encore trouver à l’heure actuelle de fervents défenseurs du déterminisme laplacien. Aussi, il n’est pas trop tard pour les astrologues de revoir leur point de vue et, d’à leur tour, accepter, tout simplement, les limites de leur discipline en reconnaissant qu’on ne peut pas tout prévoir, tout simplement parce que l’on a seulement à notre disposition un cerveau humain tout à fait incapable d’embrasser –même bien entraîné- la totalité de l’univers et des facteurs théoriquement nécessaires à une prédiction parfaite (cf. aussi à ce sujet plus loin le paragraphe sur l’astrologie et les ordinateurs). Remarquons d’ailleurs au passage que le farouche antagonisme de nombreux scientifiques contemporains à l’égard de l’astrologie repose probablement en grande partie sur cette inertie des astrologues, ce refus d’accepter leurs limites (complexe de démiurge qu’on retrouve chez nombre de praticien).

Nous disions plus haut que la communauté scientifique avait elle-même véritablement acceptée de renoncer à un objectif déterministe dans les années 1970. C’est les travaux du météorologue américain Edward Lorenz qui vinrent à bout des dernières résistances. Suite à une erreur de programmation (combien se grandes découvertes furent « fortuites » !), Lorenz s’aperçut en effet qu’en changeant des variantes minimes (par exemple trois chiffres après la virgule pour la donnée « taux d’humidité »), on obtenait des résultats totalement divergents : le climat calculé pouvait ainsi passer de « temps ensoleillé » à « cyclone tropical » pour peu qu’on laisse filer assez de temps. Rappelons en effet que la marge d’erreur s’amplifie au fil des jours. Aussi, si les prévisions restaient globalement inchangées sur quelques jours, elles pouvaient par contre se transformer du tout au tout sur un mois, une saison et a fortiori une année (Evidemment, cette idée simple autant que géniale a fait on chemin, notamment à travers « l’indice de confiance » de votre bulletin télévisé !). Cela peut sembler d’une telle évidence qu’il est difficile de concevoir la révolution intellectuelle en découlant…et pourtant ! Ce phénomène a été vulgarisé par une métaphore désormais fameuse connue sous le nom d’ « Effet papillon » : un battement d’ailes de papillon dans la forêt amazonienne pourrait faire pleuvoir à Paris. C’est exactement ce qu’exprimait cent ans plus tôt Poincaré en écrivant qu’une cause très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable.

Lorenz dut donc reconnaître que la prévision météorologique à long terme était tout bonnement une chimère puisqu’il était tout à fait impossible (même avec un super ordinateur puisqu’il fallait bien en amont programmer celui-ci) de tenir compte, dans le temps, de la totalité des variables, y compris les plus anodines en apparence. On pouvait obtenir des résultats satisfaisants sur le court terme à condition de faire un gros effort d’exhaustivité mais cela devenait totalement utopique sur le long terme puisque des éléments imprévus (et par essence imprévisibles) pouvaient (et en fait ne manqueraient pas) de surgir entre temps en modifiant les conditions initiales prises en compte. Nous verrons plus loin que je défends exactement la même idée pour la prévision astrologique.

Ed lorenz

Le chaos déterministe

Illustrons pratiquement ce que nous venons d’expliquer en prenant tout d’abord un exemple astronomique qui va nous permettre d’aller plus loin.

Une pensée purement déterministe conçoit que l’ensemble des planètes du système solaire effectue leur révolution d’Est en Ouest (comme la terre) puisque ce mouvement rotatif fut impulsé, à la création de notre système solaire, par le mouvement global de la voie lactée.

Or, Vénus et Uranus tourne d’Ouest en Est. Pourquoi ? Parce qu’il y a bien longtemps, elles ont toutes deux étaient percutées par d’énorme bolides (astéroïdes) qui, en les impactant avec suffisamment de puissance, a réussi à inverser leur sens de rotation ! Cela était-il nécessaire, autrement dit cela est-il l’illustration d’un loi quelconque de la nature, d’un déterminisme de l’univers ? Non. Si on prends en compte le grand nombre d’astéroïdes qui sillonnait notre espace lors de la création de notre système, il était probable que cela arrive, que l’un d’eux au moins percutent une des planètes déjà formées suffisamment fortement pour inverser sa révolution. Mais ce n’était qu’une probabilité, c’est-à-dire quelque chose d’aléatoire qui aurait pu ou non arriver. On est ici en plein dans le chaos !

Pourtant, selon les lois de la physique déterministe, cela pouvait arrivé (mathématiquement, on peut établir une statistique) et on ne se trouve donc pas non plus dans le cadre d’un univers entièrement soumis à l’aléatoire et à l’imprévisible. On doit toutefois raisonner en terme de probabilités et non de certitudes. On se rend donc compte qu’il existe bien des lois permettant de déterminer la marche et la construction du réel mais aussi des exceptions qu’on ne peut estimer et inclure qu’en terme de probabilités et donc d’incertitudes. C’est ce que l’on appelle le chaos déterministe, à savoir une pensée liant la connaissance des lois « mécaniques » et l’acceptation de phénomènes probables mais incertains pouvant modifier les résultats du raisonnement déterministe de base.

*

Pour reprendre maintenant le domaine météorologique, la mise en place d’un « indice de confiance » dans votre bulletin télévisé n’est rien d’autre que l’illustration du chaos déterministe : Si les lois climatiques indiquent que, depuis telle situation de départ (tenant compte du vent, de l’humidité, etc.), le temps va évoluer vers un schéma prévisible à court terme, il est pourtant indispensable de tenir compte d’une marge d’erreur, d’un taux exponentiel d’incertitude dû aux variables pouvant survenir et modifier les données prises initialement, les « conditions initiales » sur lesquelles se basaient la prévision.

Voici, en vrac, quelques autres exemples pour bien faire comprendre de quoi il s’agit.

En Médecine, un comportement détermine consiste par exemple à dire que si Madame X est atteinte d’un cancer du sein et qu’elle s’en fait opérer, elle a tant de % de chance de s’en débarrasser définitivement. Mais ce jugement mécaniste doit être nuancé des deux côtés car Madame X peut retomber malade et Madame X peut aussi connaître une rémission spontanée de son Cancer, sans intervention. Il y a donc ici aussi une « loi générale » (plus fort taux de probabilité) et des exceptions (plus rare mais dont il est dangereux et stupide de ne pas tenir compte).

En biologie, le comportement des animaux côtiers est un exemple de comportement chaotique car, influencés par différentes variables (rythme circatidal des marées, rythme journalier de 24 H, biorythme de leur horloge interne, rythme de reproduction), ces animaux se comportent souvent de façon imprévisible. Un autre exemple encore plus commun : celui du cœur dont le rythme, en apparence régulier, présente de nombreuses (et inexplicables) irrégularités.

En astrophysique, On pourrait facilement croire qu’après des centaines d’années d’observation de notre satellite, les mouvements de la Lune sont parfaitement connus et prévisibles, parfaitement « déterminés ». Et bien il n’en est rien et cela malgré l’aide récente de super ordinateur ! Le mouvement de la Lune est en fait tellement complexe que même les astronomes contemporains ne le comprennent pas totalement. Car ce mouvement est soumis à un grand nombre de variables et de cycles qui interagissent (cycle nodale de 19 ans, cycle mensuel de 29,5 Jours, cycle d’alignement sur les étoiles de 27,3 jours, etc.). Les mystères de la lune, ses irrégularités (qui, soit dit en passant, firent renoncer Newton a sa carrière scientifique) persistent encore aujourd’hui et sont une excellente illustration de la nécessité de tenir compte du Chaos.

De plus, ce cas est intéressant car il souligne aussi que, dès que plus de deux variables existent (Cela est appelé en mathématique « problème des trois corps » et c’est le cas de quasiment tout système), l’incertitude, le chaos existe. A l’échelle astrologique, et même en ne tenant compte que des facteurs dûment acceptés par l’ensemble de notre communauté (soit 12 signes, 12 maisons, deux luminaires et 8 planètes), on aboutit à un système comportant au minimum 32 variables interagissant les unes avec les autres ! On comprendra à quel point le principe d’incertitude existe donc en astrologie. Mais pour voir le verre à moitié plein, on reconnaîtra aussi, qu’en tenant compte de la complexité du système, les résultats obtenus sont déjà très satisfaisants !

 

Cette théorie du chaos trouve donc sa place dans quasiment toutes les disciplines humaines car après tout n’inclut-elle pas une évidence ? Évidence que, pourtant, de très (trop) nombreux astrologues se refusent à intégrer en s’entêtant par exemple à vouloir pronostiquer le résultat des élections présidentielles, lesquels sont pourtant (comme les instituts de sondage le reconnaissent quant à eux) soumises à de très nombreuses variables pouvant faire très rapidement évoluer, voire basculer, le choix des électeurs (choix souvent bien plus émotionnel que rationnel). Bref, ils s’obstinent à défendre une thèse purement déterministe (si tel transit existe, cela veut dire succès par exemple) sans parvenir à reconnaître que il est impossible de prendre en compte toutes les variables qui permettrait d’établir un tel pronostic avec certitudes. Ces variables sont en effet multiples mais on peut en souligner au moins quatre :

1/ Méconnaissance de l’ensemble des facteurs astrologiques (de nombreux nouveaux facteurs astrologiques ne sont pris en compte que depuis un siècle – exemple les transaturniennes- et il n’est pas difficile de concevoir que de nombreux autres doivent encore être découverts)

2/ Méconnaissance de l’ensemble des interactions existantes entre les protagonistes (dans l’exemple des élections par exemple, la prise en compte des thèmes de tous ceux qui se présentent mais aussi de l’ensemble de leurs co-listiers, de leurs équipes, de leurs financiers, etc.)

3/ Méconnaissance de tout événement extérieur et imprévisible pouvant influer sur les conditions initiales (par exemple une maladie, une catastrophe naturelle, une guerre, un accident routier, etc.).

4/ Prise en compte insuffisante du libre-arbitre personnel et de certaines forces apte à modifier les conditions initiales de façon sensible (l’amour, la mort, la maladie, le karma)

Alors cela veut-il dire que l’astrologie ne peut prévoir ? C’est maintenant sur cette question que nous allons nous pencher en défendant l’idée qu’elle peut prévoir (je trouve excessif de penser le contraire et c’est malheureusement nier toute la partie dynamique de l’astrologie, à savoir l’étude des cycles et transits) mais seulement certaines choses et dans certaines limites de temps. L’astrologie peut en effet selon nous prévoir (nous nous attacherons toutefois à mieux définir ce terme et ses synonymes) mais seulement dans le cadre d’une pensée s’inspirant du chaos déterministe.

Multiplicité

L’astrologie et les sciences

Nos sociétés dites modernes sont très clairement dominées par la rationalité technoscientifique. On peut donc d’autant plus être surpris que l’astrologie résiste au courant et même se porte très bien. Il semble bien en effet que la science ne puisse répondre à toutes les questions, ne soit surtout pas capable de calmer les angoisses humaines face à l’avenir.

Pourtant, et malgré les revendications quelque peu ridicules de certains astrologues, l’astrologie n’est pas et ne sera jamais « scientifique ». Et cela ne devrait pas être une tare ou une honte. L’art, la spiritualité et l’amour n’ont rien non plus de « scientifique » ou même de rationnel. Ils n’en sont pas moins indispensables à la bonne santé de l’humanité.

L’astrologie n’est donc pas scientifique mais cela ne veut pas dire qu’elle soit d’ailleurs incompatible avec la science. Rappelons que la séparation entre astronomie et astrologie n’a d’ailleurs eu lieu que tardivement (XVIIe siècle) et que leur contingence n’était en rien gênante. Rappelons surtout que de très grands astronomes furent aussi (bien qu’il existe une volonté indéniable de la faire oublier) de grands astrologues.

Ainsi, Kepler (1571-1630) qui est le fondateur de l’astronomie moderne était aussi astrologue. Son cas est d’autant intéressant qu’il concilie (je dis bien concilie et non illustre) un apparent paradoxe : En effet, Kepler défend astronomiquement l’héliocentrisme (les planètes tournent autour du soleil) mais continue à utiliser astrologiquement le géocentrisme (les planètes tournent autour de la terre). Kepler était-il schizophrène ? de mauvaise foi ? Aucunement. Il se contentait de changer de cadre de référence en fonction de son approche.

Ainsi, en tant qu’astrologue, ce n’est pas ce qui se passait objectivement dans le ciel qui lui importait mais la relation symbolique entre le mouvement apparent des astres depuis notre terre et la vie humaine. Il conciliait donc (sans les opposer) un ciel objectif et un ciel subjectif, un ciel extérieur et un ciel intérieur ou encore un ciel symbolique et un ciel rationnel. Pourquoi l’un exclurait forcément l’autre en dehors du fait que la volonté des partisans du second veulent à tout prix réduire au silence les partisans du premier ? Paracelse (médecin et astrologue) disait de son côté que l’astrologie n’a de sens que par rapport « au firmament intérieur » de l’homme.

Un des problèmes majeurs de l’astrologie contemporaine est donc essentiellement d’avoir été si influencée par le modèle scientifique socialement dominant (envahissant ?), que beaucoup d’astrologues (peut-être avec comme chef de fil l’honorable Morin de Villefranche) se sont mis à vouloir démontrer les fondements scientifiques de l’astrologie. On confond ainsi deux cadres de référence qui, à défaut d’être inconciliables (pris en compte parallèlement) sont incompatibles.

C’est ainsi d’ailleurs qu’est né le « sidéralisme ». Soucieux de prendre en compte les découvertes astronomiques récentes (précession des équinoxes), certains astrologues ont voulu abandonner le zodiaque tropique pour adopter celui des constellations afin de tenir compte du mouvement objectif, rationnel, scientifique de déplacement de l’axe terrestre. Or, encore une fois, nous sommes dans un mouvement qui devrait rester symbolique. L’astrologie repose sur la projection de la position des astres sur un ruban imaginaire correspondant approximativement à l’écliptique (le zodiaque). Si ce zodiaque a correspondu à une époque aux constellations qui se trouvent derrière lui (et qui a permis de baptiser les différents signes en fonction), le fait que les constellations ne correspondent plus actuellement aux signes qui en portent le nom ne devrait pas avoir d’importance. Car on aurait bien pu appeler le Bélier tout autrement et aboutir au même conclusion quant aux transits de telle planète dans sa portion d’espace. L’important ne fut en effet jamais que tel groupe d’étoiles occupe tel signe mais bien que tel corps céleste passant dans un signe (quel que soit son nom) tende à produire tel effet ou tel trait de caractère. Voici une métaphore simple pour encore mieux comprendre où se situe le biais de réflexion des sidéralistes : Soit un couple qui adopte un enfant. Les services de l’enfance leur disent que le bébé est né le 06 décembre, jour de la Saint Nicolas. Les parents décident donc d’appeler leur fils Nicolas puisque ce nom coïncident (au sens littéral de « relever d’une coïncidence ») apparemment avec la situation, l’environnement de naissance. Ces parents éduquent leur enfant, apprennent à le connaître, à comprendre ses réactions, à savoir comment il se comporte, etc. Puis, bien des années plus tard, les services sociaux apportent une correction et précisent que finalement Nicolas est né le 05 décembre, et non le 06. Est-ce que cela va changer quoi que ce soit pour les parents mais surtout quoi que ce soit à la connaissance qu’ils ont acquis de leur enfant ? Non ! Or, les sidéralistes se proposent eux non pas de changer le prénom de l’enfant mais de changer l’enfant ! Comme si le fait que la coïncidence qui a donné son prénom à cet enfant n’étant plus avérée, cela change la nature même de l’enfant. Or, cela ne change bien sûr rien puisque les constatations faites (sur son caractère, ses attitude, ses facultés) restent pertinentes quel que soit le nom de l’enfant et cela que sa naissance corresponde ou non à une situation d’origine qui lui a donné son prénom. Bref, nous pouvons dire comme Alfred Korzybski (fondateur de la sémantique générale s’inspirant de la physique quantique et des travaux d’Einstein) que « Le mot chien ne mord pas ».

On comprendra dès lors combien le débat autour de la précession des équinoxes est vain et surtout déplacé puisqu’il se joue sur des considérations scientifiques qui n’ont rien à avoir avec l’approche de l’astrologie.

Le même type d’objection peut-être fait à l’encontre de l’astrologie dit statistique, avec quelques nuances toutefois. L’astrologie statistique (dont le principal acteur fut le très respectable astrologue français Gauquelin) propose de « prouver » l’astrologie grâce aux lois de la probabilité. A savoir par exemple, si une planète se trouve angulaire dans un thème, cela inclinera le natif à avoir tel type de caractère et tel type de destinée. On comprend bien qu’on est là dans un système de pensée purement déterministe dont toute théorie du chaos est exclue. Mais à la décharge de Gauquelin, il faut préciser (et c’est même indispensable) que non seulement son système n’a rien de stupide mais que de plus il le pensa à une époque où la science de la statistique elle-même n’avait pas fait son « mea culpa » et se réclamait elle-même d’une démarche tout laplacienne en se targuant de pouvoir prévoir l’avenir depuis le présent, de prédire avec exactitude l’évolution d’un système selon les conditions initiales (et c’est sans doute là un travers qu’on retrouve aujourd’hui encore chez bon nombre de sondeurs, héritiers directs de la statistique). Aussi, nous ne nous opposerons pas quant à nous à une approche « statistique » (au sens probabiliste) de l’astrologie puisque c’est même en grand parti l’idée de fond que nous défendons. Toutefois, cette approche doit obligatoirement être nuancée en précisant bien à qui veut l’entendre que si le schéma directeur que l’on produit peut par exemple être juste dans 85% des cas, cela veut dire qu’il sera faux (soumis à des exceptions et à des variables) dans 15% des cas !

S’il est donc important pour l’astrologie se s’informer et de s’intéresser aux avancées scientifiques (non parce qu’elles sont scientifiques mais parce qu’elles participent globalement à l’évolution et au progrès de la pensée humaine), il est tout aussi important de résister à la tentation de vouloir rendre l’astrologie « scientifique ».

 

Poursuivre la lecture en cliquant ici : seconde partie de Astrologie, chaos et déterminisme

 

 

Tous droits réservés Philippe REGNICOLI

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